Embrase-moi Tome 2

Chapitre 8 Partie 2 - Elle

Descendue de la voiture, je prends quelques secondes pour admirer le lieu de la réception. Cet hôtel particulier se trouve dans un petit parc arboré situé en banlieue parisienne. D'un coup d'œil, je découvre que les arbres sont tous parfaitement taillés. Les fleurs sont plantées dans une parfaite symétrie. Même à plusieurs mètres, je sens leur parfum entêtant. Des roses grimpent le long de la façade. Le rouge sang de leurs pétales parsème un peu de couleur sur le bâtiment. De style début 1900, il semble en parfait état. Rien d'étonnant quand on connaît les propriétaires. Faisant partie de la bourgeoisie, ils ont à cœur de paraître parfait. Surtout, de montrer leur pouvoir. Je me demande s'ils savent que nous sommes là et surtout, qui l'on est exactement. Nous avons reçu l'invitation de leur fils, qui est mon client. Mais je ne sais pas si ses parents ont vent de ses « fréquentations ». Son père le sait probablement, le contact de Carine se passe uniquement à de bonnes connaissances. Souvent, des collègues de travail ou des membres d'une même famille. C'est Cerise qui m'a un jour raconté qu'elle avait découvert, par hasard, qu'elle avait couché avec un père et son fils, la même semaine. C'est tellement étrange, malsain. Elle n'en menait pas large quand elle m'en a parlé.

Je soupire tout en réajustant ma ceinture. Adam vient se placer près de moi en sifflant d'admiration.

— Sacré bâtisse ! Ce doit être le pied de vivre là-dedans !

Je hausse les épaules en laissant mes yeux se promener sur les pierres. De la lumière sort par chaque fenêtre faisant danse des ombres derrière les verres. Des bruits de discussion, étouffés par les murs, nous parviennent. Le portier patiente sagement que nous fassions quelques pas pour nous laisser entrer. Des souvenirs resurgissent du fin fond de ma mémoire. Des flashs de règles à respecter. Des ordres donnés telles des coups de fouet. La froideur de ce lieu, de ses habitants. Des soirées comme celle-ci où il fallait faire semblant. Sourire, se tenir correctement, montrer notre culture. Impressionner, par tous les moyens possibles, quitte à faire mal. Rabaisser ceux qui osaient nous manquer de respect. Avoir les paroles acérées comme des lames, toucher et mettre à terre. Un frisson désagréable parcourt mon corps.

— Aussi dorée soit-elle, une prison reste une prison.

Sans le voir, je le sens se tendre à mes côtés. Nous restons silencieux quelques secondes avant qu'il ne vienne se placer devant moi. Son regard capte le mien, me coupant dans mes souvenirs sombres. De son corps puissant et robuste émane une vague de tendresse. Ses iris communiquent bien plus que ses lèvres. Si nous sommes différents sur bien des points, il y a une chose que nous avons un commun. Bien avant notre naissance, le destin avait scellé notre place sur cette Terre. Les hautes sphères pour moi, les bas-fonds pour lui. Il comprend mieux que personne cette fuite. Ce besoin de prouver qui l'on est au-delà de ce que l'on a. Notre jeu était truqué à notre venu au monde. Qu'à cela ne tienne, nous avons changé la donne. Ses doigts viennent frôler ma joue dans une caresse délicate. Instinctivement, je penche la tête. Je recherche sa chaleur, son soutien.

— Certaines personnes ne peuvent être mises en cage.

Ses lèvres s'étirent d'un sourire auquel je réponds automatiquement. Notre complicité se reflète sur son visage, dans ses yeux. Je ne sais pas ce que je ferais sans eux. Cerise, Carine, Adam, Gabriel, je les ai rencontrés dans une période de ma vie si compliqué. Je ne pensais pas pouvoir me lier à ces âmes si éloignées de mon cercle de connaissances. Je n'imaginais pas trouver des personnes qui pourraient me comprendre, m'épauler. Pourtant aujourd'hui, je ne peux envisager mon avenir sans les avoir à mes côtés. Le destin est parfois si étrange. Il est parsemé d'embûches, mais aussi de rencontres importantes.

Nous restons silencieux quelques secondes, savourant simplement la présence de l'autre dans notre vie.

— On y va ?