À Ta Place

Prologue

Yared lève sa coupe d'or et rouge au-dessus de la foule de Septriens.

— À la dynastie ! À Septorä !

— À Asna !scande-t-elle en chœur.

Il abaisse son poignet, savourant la loyauté de ses sujets et la ferveur sur leurs visages. Depuis bientôt trois décennies qu'il régnait sur le pays, il n'avait jamais connu autant d'exaltation qu'en cet instant.

Un événement bienheureux était survenu.

Son Osnée lui avait donnée un deuxième enfant. Plusieurs tentatives précédentes, des échecs, des morts-nés, avaient failli à leur couple durant plusieurs années.

Les Archippes avaient eu recours à toutes sortes de rituels, de prières, d'ingrédients secrets, rien n'y avait fait au plus grand désespoir de la cour.

Cyrène, femme du régent, était assise à ses côtés. Parée de la coiffe royale, de bijoux et d'une robe fine et vaporeuse. Aussi majestueuse que jamais. Le bébé endormi qu'elle portait sur ses genoux lui avait redonné goût à la vie et sa beauté d'autan.

L'Osnée se tourne vers l'Asna. Leurs regards se verrouillent en toute puissance. Ensemble, ils forment la Reine et le Roi de Septorä. Adorés de tous. Élevés au rang de demi-dieux. Sacrés. Intouchables.

Et ce, depuis la nuit des temps.

Car la royauté c'est dans le sang.

Comme l'impose des siècles de tradition.

Le bébé commence à remuer, gêné par le bruit de la fête. Ses parents se penchent vers lui, hypnotisés, curieux et attendris.

— Sephira, appelle Yared.

Bénie des dieux. Fille héritière du royaume.

Cyrène sourit alors que le bébé se réveille doucement à la voix de son père. La pierre améthyste, jumelle à la sienne repose autour de son cou en un médaillon royal, contrastant avec ses cheveux noirs et sa peau châtaigne.

Une petite main brune, vive, vient lui pincer sa joue rebondie. Sephira pousse un cri de douleur. Yared attrape le poignet du coupable pour le retenir fermement.

Il abat sur son fils ainé un regard à faire froid dans le dos.

— C'est pour lui faire des fossettes...

— Misaël, le réprimande Cyrène en berçant Sephira qui sanglote.

Le garçon l'entend mais n'ose pas quitter son père des yeux. Sa poigne est terrible comme prête à lui briser la main.

— Pardon Asna, admet-il enfin.

Enfin, Yared le libère.

— C'est terminé les enfantillages, Misaël. Si tu veux prendre ma place un jour, tu dois dorénavant devenir un homme. Et très vite.

La régente, mère d'abord, lève les yeux à ces paroles dures. Elle pense qu'il est encore trop tôt pour mettre le devoir du trône sur les épaules du garçon. La couronne est encore bien trop large pour sa petite tête.

Quand son père lui tourne le dos, Misaël tire la langue à Sephira qui émet un sourire en le voyant.

Sous l'œil bienveillant de la Reine, le prince se penche sur sa petite sœur pour lui planter un baiser sur le front.

Elle lui prend alors la main, pour caresser sa peau meurtrie, mais aussi pour le remercier de son geste.
Que son cœur demeure bon à l'avenir, se surprend-elle à souhaiter.