À LA TÊTE DU CARTEL

6h12

Le vacarme du camion-poubelle l'extirpe de son profond sommeil. Louisa ouvre les yeux et fixe son réveil qui n'a pas encore sonné.

6h12

En poussant un long soupir de fatigue, elle enfouit la tête sous son oreiller. Depuis un certain temps, ses journées sont longues, éreintantes et elle manque désespérément de sommeil.
Elle prend son téléphone afin de regarder ses réseaux sociaux mais comme d'habitude, aucune notification lui rappelant le néant quasi-totale qu'est sa vie sociale.
Une fois que le réveil retentit, elle se lève et comme tout les matins, Louisa file directement dans la cuisine pour préparer son petit-déjeuner.

—Tu as bien dormi ma chérie ? demande sa mère à peine sortie du lit.
—Ça va mais j'ai du mal en ce moment...
—Ton service est à quelle heure ?
—Je commence à 7h30, mon patron veut que j'arrive plus tôt le vendredi.
—Ma pauvre ... Dis lui qu'il faut que tu ralentisses en ce moment. Tu as tes études maintenant !
—Je sais maman... Mais on a vraiment besoin de cet argent et mon chef n'est pas vraiment  compréhensif.

À peine fini de couler, Louisa se remplit une grande tasse de café et traverse le petit appartement pour rejoindre la salle de bain. Elle se regarde un instant dans la glace, secoue ses longs cheveux frisés et passe les doigts sur ses cernes en poussant là encore, un long soupire de fatigue.
À peine entrer dans la douche, son petit frère frappe à la porte.

—Bouge Louisa ! Je suis pressé ce matin !
—Je viens de rentrer dans la douche Jules ! Laisse moi dix minutes bordel !

Elle passe sa tête sous l'eau et savonne ses cheveux avec fougue afin de céder rapidement sa place.

—Pourquoi t'es si pressé ce matin ? demande Louisa encore trempée de la tête aux pieds.
—J'ai dit à Alex que je le rejoignait avant les cours.
—Ok, dépêche toi alors si tu veux que je t'accompagne devant le collège.
—Non c'est bon, j'y vais seul ce matin.

Un peu étonné, Louisa regagne sa chambre. Elle s'assoit face à son petit miroir posé sur son bureau encombré par des pages de cours et des bouquins de psychologie.
Elle tire ses cheveux en arrière et les attache en un chignon bien serré, une coupe stricte comme son patron le lui a indiqué.
Sous plusieurs feuilles chiffonnées, elle trouve sa trousse de maquillage et commence à se pomponner. Là aussi, un maquillage très naturel selon les désirs de son patron.
Louisa déteste cet homme.
Minable avec les femmes et même pas agréable avec la clientèle, sa qualité de « neveu » du propriétaire lui valait le poste de Chef de service, alors qu'il était carrément nul. Une fois prête, Louisa prend son ordinateur portable, le glisse dans son sac à dos et enfile une paire de basket.
Arrivée dans le couloir, elle est bousculée par son frère qui semble vraiment pressé.
Tout les deux se retrouvent dans la cage d'escalier.

—Tu vas faire quoi avec Alex ce matin ? demande Louisa en descendant les marches avec lui.
—Rien de spécial, on doit rejoindre Léa et Jess avant les cours.
—Oui ok, mais pour faire quoi ?
—Oh commence pas à faire ta relou ! On veut juste se voir c'est tout !
—Ok ok ... À ce soir alors.
—Ouais à toute, lui répond Jules en mettant ses écouteurs.

À l'opposé de son frère, Louisa remonte la rue sombre et embrumée de Montreuil pour gagner son arrêt de métro tout en allumant sa cigarette du matin. Le comportement de son frère l'intrigue. Depuis quelque temps, leur relation est froide et tendue. L'accident de leur père a fortement impacté la famille, Jules s'étant terriblement renfermé et devenant de plus en plus secret.
Cependant, Louisa relativise et comme tout adolescent, elle sait que son frère grandit et que ce comportement est tout à fait normal.

Pendant que toutes ces pensées lui traversent l'esprit, Louisa continue de marcher en appréciant sa cigarette, sans même remarquer l'homme qui la suit depuis la sortie de son appartement.