Chapitre 12 (Théo)

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Victoire m'en veut pour quelque chose. Je le sais à la manière avec laquelle elle m'a accueilli tout à l'heure. Elle s'est montrée encore plus froide que ces derniers jours. Je n'arrive pas à comprendre la raison de son hostilité envers moi, je ne demande qu'à mieux la connaître, rien de plus. Mais si elle espère que je vais finir par me lasser, elle se trompe. Plus elle me repousse, plus elle me donne envie d'aller vers elle. Je l'ai rencontrée il y a seulement quelques jours et pourtant j'ai l'impression qu'elle occupe chacune de mes pensées. J'éprouve à son égard une affection que je ne m'explique pas. Son regard mélancolique me touche et son caractère bien trempé me séduit.

Si je ne sais pas exactement ce que me reproche Victoire, elle m'a tout de même donné un indice qui peut me mettre sur la voie. Quand je lui ai dit l'avoir attendue en vain ce matin, elle m'a fait remarquer que j'avais malgré tout pu faire le trajet en bonne compagnie. Elle fait sûrement référence à cette fille qui a surgi de nulle part et est venue me proposer que nous fassions le chemin ensemble. Alors comme ça Victoire m'a vu avec elle. Comment ? Je ne sais pas, mais à l'évidence ça ne lui a pas plu, ce qui n'est pas forcément pour me déranger. Au contraire, cela me permet de remarquer que pour quelqu'un qui prétend n'éprouver aucun intérêt pour moi elle se préoccupe beaucoup de mes fréquentations. Faut-il y voir de la jalousie ? Ce serait présomptueux de le penser, mais il est certain que Victoire n'est pas aussi indifférente qu'elle essaye de me le faire croire. 

La fille qui m'a abordé ce matin m'a dit s'appeler Julie. Je l'ai trouvée très sympathique, et j'ai tout de suite compris que je lui plaisais. Il faut dire qu'elle n'a pas cherché à me cacher ses intentions. Elle s'est même montrée très claire avec moi.

_ Écoute Théo, autant que je te le dise tout de suite car après tout rien ne sert d'attendre, je te trouve très beau. En fait, tu es tout à fait mon genre, m'a-t-elle dit tandis que nous commençions tout juste à marcher ensemble en direction du lycée.

En retour, j'ai simplement prononcé un « merci ». Sur le moment, je n'ai rien trouvé d'autre à lui répondre. Il faut dire que sa franchise m'avait un peu déconcerté. Il m'est déjà arrivé à plusieurs reprises de me faire draguer mais jamais aussi frontalement.

Un peu plus tard, arrivés devant les portes du lycée, elle a pris ma main et déposé au creux de sa paume un bout de papier sur lequel elle venait de griffonner une suite de chiffres.

_ Si tu veux qu'on fasse un peu plus connaissance, tu n'as qu'à m'appeler, m'a-t-elle lancé dans un clin d'oeil juste avant de partir en cours.

Si son intérêt pour moi m'a flatté et même si je reconnais à cette Julie une beauté indéniable, j'ai su dès l'instant où j'ai refermé la main sur le papier noirci de son numéro de téléphone que je ne l'appelerai jamais. Il y avait quelque chose qui m'empêchait d'envisager qu'il puisse se passer quoi que ce soit entre elle et moi. Ou plutôt il s'agissait de quelqu'un. Ce quelqu'un c'était Victoire. Alors seulement j'ai compris que ce que j'éprouvais envers la fille au regard mélancolique allait bien au-delà de la simple curiosité que je m'étais jusqu'à présent imaginée. De là à dire que je l'aime ? Non tout de même pas. Je la connais trop peu pour oser dire ça. Mais il est certain qu'elle me plaît, qu'elle me plaît plus qu'aucune autre fille avant elle.

N'en déplaise à mon père qui considère que fréquenter une fille ne me servirait à rien et me ferait perdre du temps, je n'ai pas l'intention d'ignorer cette attirance que j'ai pour Victoire. Je ne suis pas le genre de garçon à fuir mes sentiments. Je n'ai pas peur de m'attacher. Je suis quelqu'un d'instinctif et j'aime à penser que si mon coeur me pousse vers elle, c'est qu'il doit avoir une bonne raison de le faire. Alors je vais écouter ce que me dicte mon coeur et je vais tout faire pour me rapprocher d'elle, car quelque chose me dit que si je ne le fais pas je le regretterai toute ma vie.

Vouloir me rapprocher d'elle est une chose mais y parvenir en est une autre car pour cela encore faut-il que je trouve un moyen de fendre l'armure derrière laquelle elle se réfugie. A première vue, ce n'était pas chose simple, pour ne pas dire carrément que c'était chose quasi-impossible. Mais heureusement, le hasard allait bientôt m'offrir une occasion inespérée de gagner la confiance de Victoire.

Sur les coups de midi, je rentre chez moi. Je déjeune seul, mes parents étant tous les deux retenus à leur travail. Puis, mon entrainement étant à 18h, je profite d'avoir l'après-midi devant moi pour m'avancer sur mes cours. Quand on a un emploi du temps aussi chargé que l'est le mien, il faut toujours anticiper sous peine de se retrouver rapidement débordé. Au bout d'une petite heure de travail, je reçois un appel de mon père, une chose suffisamment rare pour me surprendre au plus haut point. Je décroche et je lui demande ce que me vaut ce plaisir. D'une voix pressée (mon père est un homme important qui n'a pas de temps à perdre au téléphone avec son fils), il en vient immédiatement à me confier la raison de son appel. Il m'explique que la salle de boxe vient de subir un dégât des eaux qui la rend inutilisable pour la soirée. Je n'ai pas le temps de m'inquiéter de comment je vais faire pour m'entraîner sans salle de boxe que mon père a déjà tout arrangé : ce soir je ferai ma séance dans la salle omnisport du lycée. D'ordinaire, il faut s'y prendre des semaines à l'avance pour pouvoir réserver un créneau dans cette salle. Mais mon père a obtenu une faveur du proviseur (il est très doué pour obtenir des faveurs de la part de tout un tas de gens). Il conclut en me disant que je suis attendu au lycée pour 19h, et il raccroche.

***

Le soir venu, je prends donc la direction du lycée. Parvenu à l'entrée de la salle omnisport, je me retrouve bloqué, car il se trouve qu'il faut un code pour déverrouiller la porte et que personne n'a pensé à me le donner. Supposant qu'ils sont déjà dans la salle en train de préparer ma séance, j'appelle tour à tour mes trois coachs pour leur demander de venir m'ouvrir mais je tombe à chaque fois sur leur répondeur. J'essaye ensuite de contacter mon père. En vain. Il m'a prévenu qu'il serait en réunion jusque tard dans la soirée, or depuis le temps je devrais savoir qu'il est injoignable lorsqu'il est en réunion. Je commence à me dire qu'en guise d'entraînement je vais passer les prochaines heures à poiroter devant cette foutue porte quand dans mon malheur je vois enfin la chance me sourire. Je profite de l'arrivée d'une femme qui, elle, connaît le code pour me frayer un chemin dans son sillage et pénétrer enfin dans l'enceinte du bâtiment.

Après un rapide passage par les vestiaires, je me rends dans la salle dédiée aux sports de combat qui a été gracieusement mise à ma disposition. En entrant, je dois affronter les regards plein de reproches de mes coachs, l'un d'eux pointant ostensiblement de l'index le cadran de sa montre pour me signifier que je suis en retard. Piqué au vif, je m'empresse de leur signifier que j'aurais été tout à fait à l'heure s'ils m'avaient communiqué le code permettant d'accéder aux locaux. En retour, ils font aussitôt leur mea culpa ce qui ne les empêchera pas de me torturer physiquement pendant tout le temps que va durer mon entraînement. Comme toujours, ils vont exiger de moi que je donne le maximum et me pousser à bout. Et comme toujours, je vais encaisser sans broncher car je sais qu'il me faut en passer par là pour rester le meilleur sur le ring.

J'espère que vous avez aimé ce chapitre :)
La suite dès mardi ;)

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