Chapitre 42 (Théo)

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Je n'ai pas aimé ce dernier baiser. Je veux dire le baiser que Victoire m'a donné avant que je m'en aille pour aller à l'entraînement. J'ai trouvé qu'il avait le goût d'un adieu. C'est idiot. Je ne sais pas pourquoi j'ai eu cette impression. En fait si. Je sais. C'est à cause de ces angoisses qui me nouent le bas du ventre de plus en plus souvent. C'est à cause de ces angoisses qui jour après jour grandissent en moi. J'ai peur du temps qui passe. Le temps, je l'ai longtemps associé à l'image d'une rivière qui s'écoule doucement et paisiblement dans son lit. Je ne le concevais pas comme un ennemi. Plutôt comme un camarade de jeu avec lequel on était bien obligé de jouer. Il ne me semblait ni bon ni mauvais car s'il nous prenait des choses – notre jeunesse, notre innocence, notre beauté – il nous en donnait aussi d'autres – la sagesse, la connaissance, la sérénité, l'expérience. Je portais sur le temps un regard neutre, peut-être même un regard bienveillant. Et puis il s'en est fallu de trois mots sortis de la bouche de Victoire pour que mon rapport à lui change du tout au tout.

_ Je suis malade.

Ces trois mots ont fait du temps mon ennemi. Un ennemi auquel je voue une haine féroce car il menace de me prendre celle que j'aime. Le temps n'est plus une rivière calme. Le voilà devenu un torrent qui déferle avec fureur et nous entraîne d'une manière terrifiante vers une réalité terrible que je me refuse à devoir affronter. Je ne veux pas d'un monde où Victoire n'est plus. Je ne peux pas et je ne veux pas vivre sans elle. Le temps ne me privera pas d'elle. La maladie non plus. La mort encore moins. Je serai aux côtés de celle que j'aime dans ce combat, je le serai jusqu'au bout, et je ferai tout, absolument tout, pour la garder près de moi.

Ce baiser n'était pas un adieu. Ce baiser ne peut pas être un adieu. Entre Victoire et moi, il n'y a pas d'adieu qui tienne. Il n'y a que des au revoir. Alors je chasse ces sombres pensées de mon esprit et je me plonge plutôt dans les merveilleux souvenirs que me laisse cette formidable soirée en amoureux que nous venons de vivre.

Mon père me dépose devant la salle de boxe. Je suis en retard. Les coachs doivent déjà m'attendre. Ils se sont libérés exprès pour moi ce week-end et je ne veux pas les faire poiroter. Je rejoins donc les vestiaires à petites foulées et je me dépêche de me changer.

Je suis en tenue de sport et sur le point de franchir la porte du vestiaire quand la sonnerie de mon téléphone retentit. Je veux rebrousser chemin pour décrocher mais j'entends l'un des coachs qui me crie depuis le couloir :

_ Bon Théo, qu'est-ce que tu fous ? On n'a pas toute la journée !

En l'occurrence si. On a toute la journée. Ou presque, car la séance d'entraînement qui m'attend devrait durer de longues heures. Je vais cumuler une séance de musculation et une séance de boxe. C'est lourd, c'est éprouvant, c'est dur. Mais c'est le seul moyen de voir Victoire la semaine tout en restant compétitif. Alors je ne me plains pas. Je vais serrer les dents et faire un bon entraînement. Les championnats de France approchent à grands pas et je dois être prêt pour défendre mon titre. J'ai promis à Victoire de lui ramener la médaille d'or et j'ai bien l'intention de tenir parole.

_ J'arrive tout de suite ! je m'écrie en retour à l'attention du coach.

Puis je quitte le vestiaire, laissant mon téléphone sonner dans le vide.

***

Je m'attendais à souffrir et je ne me suis pas trompé. Cet entraînement est sans aucun doute l'un des plus éprouvants que j'ai jamais faits. Près de quatre heures d'effort intense qui m'ont littéralement lessivé. Les coachs ne m'ont pas fait de cadeau. Ils m'ont poussé à bout, ils m'ont obligé à me faire si mal que je me suis mis à les détester. Mais je sais que c'est pour mon bien qu'ils se montrent aussi exigeants. S'ils m'en demandent autant, c'est pour que je sois prêt le jour J. Pour que je gagne les championnats de France cette année encore et que je ramène la médaille d'or à Victoire.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant