Chapitre 2 (Victoire)

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7h00. Le réveil sonne et m'arrache à mon sommeil. Finies les grasses matinées, les vacances sont terminées, les cours reprennent. D'ordinaire, je ne me réjouis pas à l'idée de faire ma rentrée des classes. C'est même tout le contraire, je déteste devoir retourner au lycée. Mais cette fois les choses sont différentes. Depuis le rendez-vous chez le docteur Durin tout est différent.

Il y a quelques jours, alors que nous dînions mes parents et moi (ma sœur était restée dormir chez un copain dont j'ai oublié le nom ce qui n'a aucune importance car elle aura bientôt vite fait de le remplacer par un autre), ils m'ont dit qu'ils voulaient que j'arrête le lycée et que je suive les cours à domicile, arguant qu'au vu de l'évolution de mon état de santé il était préférable que je reste à la maison.

_ Tu comprends, il ne faudrait pas que tu te chopes une infection à cause de la proximité avec les autres élèves, ou que le rythme de l'année de terminale et le stress que cela engendre nuise à ta santé cardiaque, m'ont-ils dit pour se justifier.

Comme si je ne pouvais pas me choper une infection en les côtoyant eux à la maison. Comme si des cours pouvaient me stresser, c'est ridicule, un médecin venait de m'annoncer que j'étais mourante et je me mettrais la pression pour mes examens ? Je ne crois pas que le Bac soit exigé pour reposer six pieds sous terre, car c'est bien ce qui m'attend si je ne suis pas greffée dans les prochains mois.

Après m'avoir exposé leur décision, mes parents se sont remis à vider leurs assiettes comme si de rien n'était, pour eux l'affaire était entendue, ils n'imaginaient pas que je puisse manifester un quelconque désaccord, d'autant qu'ils savaient bien qu'entre le lycée et moi ce n'était pas le grand amour. Tel n'a pas été leur surprise quand je me suis mise à protester :

_ Je ne veux pas suivre les cours à domicile. Je veux continuer le lycée.

_ Pardon ? m'a lancé mon père après qu'il ait manqué de s'étrangler avec son croûton de pain.

_ Tu m'as comprise.

_ Mais ma chérie, tu détestes le lycée, m'a ensuite fait remarquer ma mère.

_ En effet, je déteste le lycée mais il n'empêche que je veux continuer à y aller, ai-je renchéri.

_ Ça n'a pas de sens, a-t-elle dit.

Pour moi ça en avait du sens justement.

Quand on annonce à quelqu'un qu'il va bientôt mourir, il peut réagir de différentes manières.

Passé le choc de la nouvelle, il peut d'abord décider de tout plaquer et de consacrer le temps qu'il lui reste à réaliser ses rêves les plus fous ; des rêves qu'il a toujours pensés irréalisables à cause de toutes sortes de contraintes qui à présent que la mort est proche n'ont plus lieu d'être. C'est ainsi que ce quelqu'un peut choisir de faire un tour du monde, de vider son compte en banque pour s'offrir tout et n'importe quoi, de se marier sur un coup de tête, de sauter en parachute, de faire de la plongée en cage pour rencontrer le grand requin blanc... Bref, dans ce cas, le quelqu'un qui va mourir fait des folies pour oublier qu'il va mourir. Je n'ai pas réagi comme ça et ce pour les raisons suivantes : 

1 Je ne vois pas l'intérêt de faire un tour du monde pour revenir au même endroit à la fin. C'est con quand on y pense.

2 Je n'ai pas d'argent sur mon compte en banque et comme je ne peux pas vider un truc déjà vide je suis coincée.

3 Je ne peux pas me marier parce-que pour ça il faudrait trouver un mari et je n'ai ni l'envie ni le temps d'en trouver un, et puis franchement je suis bien trop jeune pour me marier.

4 Quand je suis debout, j'ai déjà le vertige rien qu'en pensant à la hauteur qui sépare ma tête de mes pieds donc je ne risque pas de sauter en parachute.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant