Chapitre 15 (Victoire)

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Je rejoins au pas de course les vestiaires pour m'y enfermer le temps que ma colère s'apaise. Mais voyant qu'ils sont déjà occupés par les filles du club de gym, je renonce à y entrer. Toujours dans le couloir, j'aperçois Théo qui déboule sur ma gauche. Il me crie de m'arrêter et de l'écouter, il dit vouloir me parler, il dit vouloir m'expliquer. Me parler de quoi ? M'expliquer quoi ? Il a dépassé les bornes. Il n'avait pas le droit de faire irruption dans la salle de musique comme il l'a fait. Le cours de chant est pour moi un sanctuaire dans lequel je laisse libre cours à une partie de moi qui sinon ne s'exprime jamais, et en entrant sans prévenir et sans y être autorisé, c'est un peu comme si Théo avait profané mon sanctuaire. Jusque-là je m'étais accommodée de son entêtement à vouloir me côtoyer mais cette fois c'en est trop. Dire que j'ai failli le trouver charmant, ce que j'ai pu être bête !

Il rêve s'il croit qu'en me sortant quelques phrases toutes faites je vais lui pardonner. Je ne lui pardonnerai pas. D'ailleurs, je ne veux plus rien avoir à faire avec lui. Dans l'espoir d'échapper à la discussion qu'il me réclame, je presse le pas sur ma droite. Pendant plusieurs secondes, je me perds dans un dédale de couloirs (cette salle omnisport est beaucoup plus grande que je ne l'imaginais et surtout, elle a été construite comme un véritable labyrinthe). Je n'ai aucune idée d'où je me trouve et je ne sais pas davantage où je vais. De temps à autre, je jette un œil derrière moi pour voir si Théo me suit toujours, et chaque fois je pousse un soupir en constatant que oui. Ce garçon est une vraie plaie, il serait prêt à me suivre jusqu'au bout du monde pour le simple plaisir de m'emmerder !

Je m'engage dans un nouveau couloir qui par malheur me mène dans un cul-de-sac. Sous la pression du bruit des pas de Théo qui se rapprochent, je regarde tout autour de moi en quête d'une échappatoire. A ma droite, je trouve une porte. Il ne reste plus qu'à espérer qu'elle ne soit pas verrouillée. Je presse fébrilement la poignée et tel n'est pas mon soulagement de voir que la porte s'ouvre. Je m'engouffre dans une petite pièce qui m'a tout l'air de servir de débarras et je me fais totalement silencieuse pour éviter que Théo surprenne ma présence. Je l'entends qui marche dans le couloir, qui se rapproche jusqu'à se tenir tout près de moi, de l'autre côté de la porte. Je retiens mon souffle. Pourvu qu'il ne me trouve pas. Un long moment s'écoule sans que rien ne se passe. Un moment si long que je commence à me dire que Théo a renoncé et qu'il est reparti d'où il est venu. Mais cette pensée a à peine traversé mon esprit que la porte s'ouvre. Théo entre. Je suis coincée. Je n'ai plus d'autre choix que de l'affronter. Ce qui n'est peut-être pas plus mal. Ainsi, je vais pouvoir mettre les choses au clair entre nous une bonne fois pour toutes.

_ Je suis vraiment désolé Victoire, je ne voulais pas te blesser. J'étais sur le point de partir quand j'ai entendu une voix merveilleuse et je n'ai pas pu résister à la tentation de savoir à qui elle appartenait. Alors je suis entré dans la salle de musique, sans me douter que ma présence serait si dérangeante...

_ Donc toi quand tu vois de la lumière chez quelqu'un, tu entres, sans te demander si tu y es invité ?

_ Non enfin... Je sais que je n'aurais sûrement pas dû rentrer mais...

_ En effet, tu n'aurais sûrement pas dû, tu n'avais rien à faire dans cette salle ! je le coupe sèchement.

_ Mais dire que je regrette de l'avoir fait serait mentir, reprend-t-il ensuite.

Je rêve où il vient de dire qu'il ne regrette pas d'être entré ? Non je ne rêve pas, il a vraiment dit ça ! Il me provoque ou quoi ? Mais oui, il est sûrement en train de me provoquer !

_ Si je n'avais pas fait irruption au beau milieu de ton cours, je n'aurais peut-être jamais su que tu avais un tel talent pour le chant. Ta voix est extraordinaire, j'espère que tu t'en rends compte. Je crois que c'est la plus belle que j'ai jamais entendue. J'ai adoré ton interprétation de « The scientist ».

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant