Chapitre 18 (Victoire)

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Après quelques centaines de mètres de marche, nous parvenons au carrefour où Théo m'attend. Quand Julie l'aperçoit, elle court vers lui, manquant de se faire écraser par une voiture en traversant la route. Le temps de laisser un camion passer et je les rejoins. Théo accueille mon arrivée d'un sourire que je lui rends aussitôt. La discussion d'hier a changé quelque chose entre nous, c'est évident.

Julie met immédiatement les pieds dans le plat. Avec la franchise qui la caractérise, elle lance à Théo :

_ Tu ne m'as toujours pas appelée. Dois-je en déduire que le grand Théo Cari est timide ?

_ Ce n'est pas une question de timidité, lui répond-t-il, sans que son attitude ne trahisse le moindre embarras.

_ Évidemment, je te charrie. Je sais qu'en fait c'est une stratégie de ta part.

_ Une stratégie ? relève-t-il d'un ton circonspect.

_ Allons Théo, tu peux me le dire, je fais exactement la même chose avec les mecs.

_ De quoi tu parles ? lui demande-t-il encore comme il ne voit toujours pas où elle veut en venir.

_ Tu fais exprès d'attendre avant de m'appeler. Tu me fais languir pour me rendre accro. C'est malin, risqué mais malin. Il faut que je t'avoue que je suis d'un naturel impatient. En principe, si un garçon tarde à faire un pas vers moi, je considère qu'il ne sait pas ce qu'il veut ou qu'il manque de courage, et je l'envoie paître. Mais pour toi je suis prête à faire une entorse à ce principe. Oublions cette histoire d'appel manqué. Et si on se voyait ce soir après les cours tous les deux ? Après tout, pourquoi perdre du temps à se tourner autour alors qu'on sait très bien qu'on va sortir ensemble !

Les propos de ma soeur me mettent profondément mal à l'aise. Fidèle à elle-même, elle affiche une assurance sans faille. Elle ne se doute pas que si Théo ne l'a pas rappelée, ce n'est pas parce-qu'il voulait la rendre accro comme elle se plaît à le penser mais simplement parce-qu'il n'avait aucune envie de le faire.

Julie est suspendue aux lèvres de Théo. Moi aussi. Je me demande comment il va réagir à ce qu'elle vient de lui dire. Il ne fait pas durer le suspense bien longtemps et lui confie :

_ Écoute Julie, je me sens vraiment flatté de l'intérêt que tu me portes. Mais je vais devoir décliner ta proposition.

_ Tu vas devoir quoi ? lui demande-t-elle, sûre d'avoir mal entendu.

_ Je vais devoir décliner ta proposition, répète-t-il sans détour.

Julie comprend qu'aussi fou que cela puisse paraître, elle a bien entendu. Elle en perd son sourire et son visage prend un air renfrogné quand elle lui demande :

_ Attends, tu te fous de moi ?

_ Pas du tout, rétorque-t-il, tout à fait sérieusement.

_ Donc tu es vraiment en train de refuser de sortir avec moi ?

_ Eh bien oui. Mais ça n'est pas contre toi. Tu es une fille très séduisante. C'est juste que...

_ C'est juste que quoi ? le coupe-t-elle sèchement.

Au moment où il lui répond, il détourne les yeux d'elle pour les poser sur moi.

_ Que mon cœur est déjà pris, lui dit-il tandis qu'il me fixe d'un drôle d'air.

Ces mots me chamboulent complètement. Les informations se bousculent dans mon esprit à une vitesse telle que j'ai l'impression que ma tête va exploser. Il a suffi que Théo dise que son cœur est déjà pris pour que le mien s'emballe aussitôt. Je crois qu'il ne supporte pas l'idée que Théo puisse en aimer une autre. Mais pourquoi mon coeur réagit-il ainsi ? Il devrait s'en moquer. Je reconnais que Théo me plaît mais ça ne justifie pas qu'il s'emballe comme ça ! S'il le fait, cela signifie que j'éprouve de l'attachement pour Théo. Mais je le connais à peine, comment puis-je m'être attachée aussi vite à lui ? C'est ridicule, mon cœur n'est pas seulement malade, il est aussi totalement détraqué ma parole ! Si mon coeur ne supporte pas que Théo en aime une autre, cela veut dire qu'il est jaloux, et s'il est jaloux cela veut dire que je suis... amoureuse. Amoureuse ? Moi ? Certainement pas ! Ou peut-être un peu..  Oh et puis qu'importe, Théo en aime une autre alors qu'est-ce que ça peut bien faire que moi je l'aime ou non ? Voilà ce qui arrive quand on se laisse fréquenter par un beau garçon, on se fait des films et après on est déçue. J'aurais mieux fait de l'envoyer bouler hier. Comme s'il pouvait vraiment s'intéresser à moi. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui donner une chance. J'aurais dû me douter que ça ne servirait à rien. Ça m'apprendra à être naïve. Mais à partir de maintenant je ne le serai plus, naïve.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant