Chapitre 38 (Victoire)

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Je jette un œil paniqué à mon réveil pour constater qu'il affiche déjà 19h. Théo ne va plus tarder. Il sera là d'une minute à l'autre et moi je suis tout sauf prête. Je fais signe à ma sœur de s'activer au maquillage.

_ Détends-toi, j'y suis presque, me dit-elle d'abord dans l'espoir de me rassurer.

Avant de me sermonner :

_ Après c'est sûr que si tu bouges tout le temps, ça ne va pas aller !

Comme quoi elle non plus n'est pas si calme. Pour ne rien arranger au stress qui m'assaille déjà, voilà que la sonnerie de l'entrée retentit. Théo, il est en avance. Et moi je suis en retard. Je déteste être en retard. Il m'organise une soirée romantique et moi je vais le faire attendre. Il va m'en vouloir, c'est obligé. Et s'il me fait la tête durant le restant de la soirée à cause de ça ? Dans mon esprit, les pensées négatives courent et s'entrechoquent. Je m'agite sur ma chaise et ma sœur s'agace :

_ Vic', je t'ai dit d'arrêter de bouger. Si tu continues comme ça, je vais te peinturlurer le visage et tu vas ressembler à Cruella.

Mon état de nervosité est tel que j'interprète de travers ses propos. D'une voix horrifiée, je m'écrie :

_ Je ressemble à Cruella ? C'est ça que tu viens de dire ? Et Théo qui est déjà là ! Après l'avoir fait poiroter pendant un quart d'heure, il va me voir arriver déguisée en Cruella et il va prendre peur !

Ma sœur garde sa concentration encore une petite seconde, le temps de finir de faire le tour de mon œil avec son crayon. Puis elle fait un pas en arrière pour contempler son œuvre. Je scrute son visage afin d'y trouver une expression qui puisse m'indiquer ce qu'elle pense du résultat. Mais elle reste sans réaction. Ce qui me frustre terriblement. Je n'aurais jamais dû l'écouter quand elle m'a dit que je ne devais pas me regarder dans le miroir avant qu'elle en est terminée pour préserver l'effet de surprise. A présent, je m'en mords les doigts parce je ne suis plus du tout certaine que la surprise soit bonne. N'en pouvant plus de ce suspense insoutenable que Julie m'impose, je lui lance :

_ Alors ?

_ Je dois dire que... commence-t-elle par bredouiller d'un ton apparemment indécis.

Je la coupe pour la prier d'aller à l'essentiel :

_ Alors, comment je suis ?

_ Tu es pas mal, lâche-t-elle d'un air pensif avant de renchérir avec un enthousiasme qui va crescendo. Tu es pas mal du tout même !

Elle ne peut pas dire « bien » ou « mal », histoire que ce soit parfaitement clair. Non, il faut qu'elle dise « pas mal » et qu'elle me laisse dans l'expectative. A croire qu'elle prend plaisir à me torturer. Et Théo qui m'attend, seul avec mes parents dans le séjour. Et mon père qui doit être en train de lui raconter que je crie à la fenêtre de chez moi que je suis belle. Et ma mère qui doit être en train de lui donner un cours en accéléré sur la contraception. Et moi qui ne sais toujours pas si je ressemble à Cruella ou non. Décidément, je suis au bord de la panique.

_ Je veux me voir ! je tonne, faisant sursauter ma sœur.

Julie comprend que je suis arrivée au bout de ma patience. Elle fait pivoter ma chaise pour que je me retrouve face au miroir et s'en va faire tomber le drap qu'elle avait utilisé pour recouvrir ce dernier et ainsi prévenir toute tentative de triche de ma part. En un instant, je me vois apparaître et ma première réaction est de me dire que ma sœur est bel et bien une magicienne. Pas juste une magicienne de la psychologie féminine, capable de vous décomplexer en deux temps trois mouvements. Mais aussi une magicienne du relooking. Ce qu'elle vient de faire pour moi est formidable. J'en ai les larmes aux yeux.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant