Chapitre 31 (Victoire)

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J'adore être amoureuse. Je comprends mieux pourquoi la plupart des gens font de l'amour le fil conducteur de leur existence. C'est si bon d'aimer et de se sentir aimée. Ça change la vie, ça la rend plus belle. Tout semble devenir extraordinaire, même les actes les plus anodins et les plus routiniers. L'autre jour par exemple, je révisais un devoir de maths. Un truc chiant à mourir sur les probabilités que j'aurais détesté étudier en principe. Eh bien j'ai trouvé ça génial parce que Théo était avec moi. C'est bien simple, tout est génial pourvu que je sois avec lui. Je ne peux plus me passer de sa compagnie. Et j'aime à croire que lui non plus ne peut pas se passer de la mienne.

Je veux profiter de chaque jour, de chaque minute, de chaque seconde avec Théo. Les moments de bonheur que nous partageons me sont d'autant plus précieux que je sais que mon temps est compté. Lui l'ignore en revanche. Je ne lui ai toujours pas dit pour ma maladie et je ne crois pas qu'il se doute de quoi que ce soit. Il faut dire qu'en ce moment je me sens particulièrement bien. Je n'irais pas jusqu'à dire que je tiens une forme olympique mais ça fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi pleine d'énergie. Parfois je me dis que le docteur s'est trompé dans son diagnostic. Que mon cœur est en train de guérir. Je veux y croire, de toutes mes forces. Mais je sais que ce n'est pas possible. Un cœur ne se régénère pas tout seul. Sans doute a-t-il seulement décidé de me laisser un peu de répit pour que je puisse profiter de mon histoire avec Théo. Soit, c'est généreux de sa part, je prends. Je ne sais pas combien de temps elle durera mais je veux la vivre à fond cette histoire avec Théo. Coûte que coûte. Quoi qu'il arrive. Tant que je peux la vivre, je veux la vivre. Et quand je ne pourrai plus, eh bien quand je ne pourrai plus, je ne sais pas... On verra bien... 

Avec Théo, on a fait le choix de cacher notre relation à nos parents. On savait bien que l'idée de nous savoir ensemble n'aurait pas de quoi réjouir ma mère et ma soeur, et encore moins le père de Théo. On pensait que ne pas leur dire pour nous était la meilleure chose à faire, qu'ainsi nous nous épargnerions de longs discours moralisateurs et bon nombre de disputes. Et puis notre relation gagnait alors un petit goût d'interdit, ce qui avait quelque chose d'excitant.

Seulement voilà, notre secret n'a pas mis longtemps à être découvert. Je me levais plus tôt pour aller au lycée, je traînais à la sortie des cours, j'étais d'une humeur bien trop excellente pour paraître normale. Et puis chaque fois qu'il m'arrivait de croiser ma sœur au lycée, j'étais avec Théo. On avait beau prendre des précautions pour ne pas nous faire prendre en flagrant délit de câlin ou d'embrassades, les indices étaient suffisamment nombreux pour nous trahir. Mes parents ne sont pas bêtes. Ils ont été adolescents avant nous. Ils ont été amoureux avant nous. Ils ont fini par comprendre. Et moi j'ai fini par comprendre qu'ils avaient compris. Ce que je ne savais pas, c'est quand il se décideraient à m'en parler. C'est ma mère qui l'a finalement fait. C'était un vendredi soir, nous regardions un film sans intérêt à la télévision en famille, comme il nous arrive de le faire de temps à autre. Ma mère a profité d'une page de publicité pour aborder le sujet.

_ Alors Vic', tu n'as pas quelque chose à nous dire ? a-t'elle ainsi lancé.

J'ai aussitôt été parcourue d'une décharge d'adrénaline qui a eu pour effet de tendre chaque muscle de mon corps. Je me suis redressée sur le canapé dans lequel j'étais affalée jusqu'alors pour me tenir soudain aussi droite qu'un premier ministre convoqué dans le bureau du président de la République. Je me suis efforcée de ne pas avoir une tête de coupable et j'ai fait mine de ne rien savoir, gardant les yeux rivés sur un spot publicitaire vantant les mérites du meilleur matelas à mémoire de forme jamais conçu. Mais ma mère n'a pas lâché l'affaire. Elle a renchéri :

_ Vic', tu peux nous le dire, tu sais ?

J'ai détourné les yeux de l'écran de télévision pour les poser sur mes parents et ma sœur. Leurs visages étaient parés d'une telle expression de gravité que j'ai eu l'impression de me trouver face à trois inspecteurs de police. A l'évidence, il était inutile de nier plus longtemps. Alors j'ai poussé un profond soupir et je leur ai dit pour Théo et moi. Ils n'ont pas eu l'air surpris. Preuve qu'ils s'en doutaient déjà. Mon père a dit « c'est génial ! ». Quant à ma mère et à ma sœur, elles ne m'ont pas gratifiée de l'un de leurs fameux sermons que je jugeais pourtant inévitable. En fait, elles n'ont pas prononcé un mot. Elles ont attendu que la page de pub se termine et ont continué à regarder le film comme si de rien n'était. Ce n'est qu'au moment du générique que ma mère a renoué avec la parole. Et ce qu'elle m'a dit m'a laissée littéralement stupéfaite.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant