Chapitre 40 (Victoire)

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Théo me porte toujours sur son dos. Nous traversons la pièce à vivre et nous entreprenons de gravir l'escalier qui mène à l'étage. Mais au bout de quelques marches, mon fidèle destrier trébuche et nous nous retrouvons tous les deux couchés à plat ventre dans l'escalier. Nous rions de plus belle de ce petit incident de parcours. Théo se relève le premier. Il me tend la main pour m'aider à en faire de même et c'est finalement bras dessus, bras dessous que nous terminons de monter l'escalier. Nous longeons un étroit couloir qui nous mène face à une porte. Théo l'ouvre et en me gratifiant d'une révérence, il me lance solennellement :

_ Mademoiselle, si vous voulez bien vous donnez la peine d'entrer dans votre suite.

Je m'exécute et aussitôt je constate que l'usage du mot « suite » n'est pas galvaudé. Je me trouve dans la plus grande et la plus somptueuse chambre que j'ai jamais vue. Le centre de la pièce est occupé par un imposant lit à coffre en velours sombre. A ma droite, deux fauteuils en cuir blanc et une table basse composent un coin parfait pour petit-déjeuner tout en profitant de la vue superbe qu'offre une large baie vitrée sur le lac et la ville d'Annecy en contrebas. Le bois est partout, du sol jusqu'au plafond, et des flammes dansent dans la cheminée murale à ma droite. Une porte donne sur une salle de bain digne de celles que l'on trouve dans les palaces avec sa baignoire relaxante, ses lavabos colonne et son meuble en bois de palissandre. Je reste ébahie devant cette chambre décorée avec un luxe discret et élégant qui permet d'en préserver la chaleur et l'authenticité. C'est un endroit où l'on ne peut que se sentir bien. C'est un endroit parfait pour vivre une nuit parfaite.

Cette nuit-là, ma première nuit avec Théo, je me la suis imaginée mille et une fois ces derniers jours. Je l'ai attendue avec un mélange d'appréhension et d'excitation. Je l'ai rêvée aussi, tellement rêvée, et à présent il est temps de la vivre.

Je consacre quelques secondes à dire à Théo combien la chambre est magnifique et quand je me trouve à court de qualificatifs, un silence gêné s'impose entre nous. Nous nous tenons raides l'un en face de l'autre, à nous dévisager d'un drôle d'air, à partager des sourires crispés qui en disent long sur notre état de nervosité. A l'évidence, c'est l'appréhension qui est en train de prendre le pas sur l'excitation. Parce qu'il faut bien faire quelque chose pour désamorcer cette situation embarrassante, Théo propose que nous commencions par nous allonger sur le lit.

Nous quittons nos chaussures et nos vestes que nous abandonnons sur l'un des fauteuils en cuir. Puis nous nous étendons côte à côte, sur ce matelas qui est à la fois le plus cher et le plus confortable sur lequel n'ait jamais reposé mon corps. Nous restons un instant ainsi, immobiles, faisant face au plafond en bois de chêne, sans échanger un mot. Nous tournons la tête sur le côté et nous nous perdons dans les yeux l'un de l'autre pendant plusieurs secondes. Théo me sourit et dans ce sourire bienveillant, je puise la force de combattre mon appréhension. Je m'approche de lui et je viens poser mes lèvres sur les siennes. Un premier baiser timide qui appelle bientôt d'autres baisers, de plus en plus fougueux et passionnés à mesure que le désir m'envahit. L'angoisse me quitte et l'excitation jaillit pour s'emparer de chacun de mes sens.

Brûlante d'envie, je me rapproche encore de Théo. J'enjambe son corps toujours allongé sur le dos et me hisse au dessus de lui. Sans jamais cesser de l'embrasser, je l'enlace avec vigueur. Je déboutonne sa chemise et fais courir mes doigts sur sa peau. Je m'attends à ce qu'il en fasse autant. Je veux sentir ses mains sur ma peau, je veux qu'il me touche, qu'il me caresse. Mais il n'en fait rien. Il reste étonnement attentiste. Je m'en inquiète. Je pensais qu'il serait plus entreprenant. Qu'il serait à l'initiative. Le doute me rattrape et je m'interroge. Pourquoi fait-il preuve d'autant de retenue ? Peut-être que je ne lui plais pas. Peut-être que je ne l'excite pas. Peut-être qu'il n'a pas envie. Ma confiance en moi est en train de s'envoler. Je ne suis plus du tout sûre de moi. J'ai besoin de réponses. Je veux savoir ce qui ne va pas. Ce qui l'empêche d'être pleinement avec moi dans ce moment si important. Je veux savoir, même si sa réponse doit me blesser. Alors je cesse de l'embrasser, je me redresse et en plongeant de nouveau mon regard dans ses yeux gris, je lui demande :

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant