Les abords de l'hôpital sont bondés. Il est impossible de trouver une place où se garer. Mon père, qui devine à la manière que j'ai de remuer sur le siège passager que mon impatience devient insoutenable, propose de me déposer directement devant le bâtiment et de me rejoindre plus tard, quand il aura réussi à se stationner. J'acquiesce. Je quitte la voiture et je me dirige avec empressement vers l'entrée du centre hospitalier. Je traverse le hall à grandes foulées pour atteindre l'accueil. Plusieurs personnes attendent au guichet. Au mépris de toutes les règles élémentaires de politesse, je leur grille la priorité et je joue des coudes pour les devancer. J'ignore leurs cris de protestation et j'interpelle l'un des trois secrétaires d'accueil. Il me coupe aussi net et me somme de réintégrer la file d'attente. Je n'en fais rien. Je reste planté devant lui, les deux pieds cloués au sol et le regard déterminé. D'une voix faussement assurée car le fait est que je ne me suis jamais senti aussi fébrile que depuis que j'ai pris connaissance du SMS de Victoire, je lui explique la situation. Je lui dis que je suis venu voir ma petite amie qui a été admise aujourd'hui dans l'établissement pour y subir une transplantation cardiaque. Les personnes qui attendent après moi ne protestent plus. Le secrétaire semble lui aussi s'adoucir, les circonstances plaident pour moi et suffisent visiblement à excuser mon comportement sans-gêne.
A présent beaucoup plus aimable, l'agent d'accueil me demande le nom de mon amie. Puis il consulte son ordinateur un instant.
_ Elle a bien été admise en début d'après-midi, me dit-il finalement.
_ Et elle va bien ? je le questionne à brule-pourpoint. Enfin je veux dire, elle est déjà revenue du bloc ?
_ Je n'en sais rien. Ce genre d'information ne relève pas de ma compétence. Il faudra vous adresser directement au médecin quand il sera disponible.
Plans du bâtiment à l'appui, il tente ensuite de m'expliquer comment me rendre au service cardiologie. Il se répète plusieurs fois parce qu'il sait bien que ce qu'il me dit n'est pas simple à retenir. Quand je pense avoir compris, je le remercie et je m'aventure dans les couloirs de l'hôpital. Comme il l'avait prédit, je me perds. Je vais à droite, puis à gauche, puis à droite, et encore à droite. Et finalement je me retrouve au service ophtalmologie. Je rebrousse chemin, je tourne encore dans tous les sens, et enfin je vois au fond d'un long couloir le mot « Cardiologie » écrit au dessus de deux portes battantes. Je pénètre dans le service et aussitôt j'apercois le père de Victoire. Il est en train de prendre un café au distributeur de boissons. Il a les traits tirés et l'air soucieux. Comme il me voit approcher, il m'adresse un sourire crispé et me lance :
_ Oh Théo, ça me fait plaisir de te voir.
_ Je suis désolé de n'arriver que maintenant, j'étais à l'entraînement et je n'ai pas vu les messages...
_ Ce n'est rien, l'essentiel c'est que tu sois là maintenant. Ça compte pour Victoire, tu sais ?
Je lui pose la question qui me brûle les lèvres :
_ Comment va-t-elle ?
Il secoue la tête de dépit et pousse un long soupir avant de me répondre :
_ Je ne sais pas. Elle est partie au bloc depuis plusieurs heures maintenant. Nous n'avons aucune information. Nous devons attendre le retour du médecin.
_ Elle va encore restée longtemps au bloc ? je lui demande de plus belle.
_ En moyenne, une telle intervention dure de 4 à 8h. Mais ça peut aussi être plus long, en cas de complications, me répond-t-il en s'efforçant de se montrer totalement objectif même s'il ne peut empêcher sa voix de se briser à l'évocation de complications éventuelles.
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Juste une fille bien
RomanceVictoire habite avec ses parents et sa soeur sur les rives du lac d'Annecy. Plutôt solitaire, elle n'a pas vraiment d'amis au lycée. Quant aux garçons, ils ne la remarquent pas ce qui lui convient très bien car dans sa situation pas question de s'at...