Chapitre 4 (Victoire)

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Je tourne la tête et je vois un garçon qui traverse la route au pas de course pour venir se planter devant moi. Je peux alors mettre un visage sur la voix qui vient de m'interpeller. Une mâchoire angulaire, un sourire charmeur, des yeux aussi gris que le ciel de ce matin, et des cheveux noirs comme l'encre. Il me fait penser à ces garçons qui posent dans les magazines, tout à fait le genre de ma soeur. Si elle était là, elle ne se ferait certainement pas prier pour le rejoindre sous son parapluie. Mais je ne suis pas ma sœur. Je me moque qu'il soit beau (je ne dis pas qu'il l'est, c'est juste une façon de parler), tout ce à quoi je songe en cet instant c'est que je n'aime pas la manière qu'a cet inconnu de m'imposer sa présence. Je voulais juste aller au lycée en marchant tranquillement mais apparemment c'était trop demander. Il a fallu que ce garçon surgisse de nulle part pour venir m'importuner. Et puis il est peut-être dangereux, plus je le regarde plus je lui trouve un air de bagarreur... Il faut que je me débarrasse de lui. Je vais lui réserver un accueil froid comme la pierre. Ainsi, il aura vite fait de me laisser tranquille.

_ Qu'est-ce que tu me veux ? je lui demande sèchement, faisant mine de ne pas avoir entendu ce qu'il m'a dit lorsqu'il s'est approché de moi.

_ Je ne te veux aucun mal, me dit-il d'abord dans un sourire comme il voit bien que je suis sur la défensive.

C'est vrai que je suis sur la défensive. Si j'avais dans mon sac une bombe lacrymogène, je m'en serais déjà saisie et je lui aurais aspergé la figure avec avant de m'enfuir en courant (à allure modérée car il ne faudrait pas que mon coeur me lâche tandis que je tente de lui échapper). A part ça, je ne suis pas du tout du genre paranoïaque comme fille.

Il s'interrompt un instant et sans se départir de son sourire, il ajoute :

_ Je marchais sur le trottoir de l'autre côté de la rue quand je t'ai vue sous la pluie. J'ai pensé que je pourrais te faire profiter de mon parapluie pour que tu puisses t'abriter. En plus, il me semble que nous allons au même endroit.

Je le fixe d'un air impassible quelques secondes. Puis, j'assène :

_ Et bien tu t'es trompé.

_ Trompé au sujet de quoi ? relève-t-il aussitôt avant de se répondre à lui-même. Oh je vois, tu ne vas pas au lycée c'est ça ?

_ Je vais bien au lycée. En revanche, je n'ai pas besoin d'être abritée, je lui assure tout en passant une main à mon front pour le débarrasser de quelques mèches de mes cheveux gorgés d'eau qui se sont collés dessus.

Cette fois son sourire se transforme en éclat de rire. Vexée à l'idée qu'il soit en train de se moquer de moi, je m'enquiers :

_ Quoi ?

_ Rien, c'est juste que tu as l'air de quelqu'un qui a besoin d'être abritée, tu es trempée. Tu es sûre que tu ne veux pas de mon parapluie ?

_ Si ça veut dire faire le trajet avec toi dessous, non je n'en veux pas, je lui réponds d'un ton catégorique en espérant que cela suffise à me débarrasser de lui.

Je guette attentivement sa réaction, me demandant s'il va insister ou au contraire choisir de se retirer.

_ Si ce n'est que ça le problème, ça peut s'arranger, me dit-il finalement.

Tandis que je me demande de quel problème il parle, il me tend son parapluie et me lance :

_ Tiens.

Il plonge ses yeux gris dans les miens, attendant que je m'empare du parapluie. Mais à la fois surprise et méfiante, je n'esquisse pas le moindre mouvement, me contentant de le surveiller d'un oeil soupçonneux. Il patiente encore un peu et voyant que je ne suis pas décidée à bouger, il se baisse, abandonne le parapluie à mes pieds, fait volte-face, traverse à nouveau la route pour rejoindre le trottoir opposé, et se met à marcher sous l'averse.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant