Chapitre 30 (Victoire)

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Je ne comprends pas ce qui m'a pris. Comment ai-je pu me laisser entraîner par Théo dans cette folie ? Il m'a promis que tout se passerait bien. Il m'a garanti un triomphe. Mais à quelques minutes seulement de faire mon apparition sur la scène du Théâtre Bonlieu, je suis loin d'avoir une attitude triomphante. En fait, je suis totalement terrifiée, à tel point que je n'ai qu'une envie : prendre mes jambes à mon cou et me tirer d'ici. Mais je ne peux pas le faire, pas maintenant que mes parents sont assis dans la tribune et attendent impatiemment de voir leur fille chérie chanter sur scène.

Les questions se bousculent dans ma tête. Elles sont autant de craintes qui me tétanisent. Et si j'oublie les paroles ? Et si j'ai une extinction de voix ? Et si je chante comme une casserole ? Je me sens submergée par le stress. Un stress terrible que je suis bien incapable de contrôler et qui menace chaque seconde un peu plus de me submerger.

J'éprouve le besoin de savoir à quelle sauce je vais être mangée. Alors je tire le rideau et je jette un œil à la tribune. Une très mauvaise idée. Elle est bondée. C'est bien simple, il ne reste plus un seul siège de libre. Mille personnes attendent que le spectacle commencent. Mille personnes, c'est encore plus impressionnant que je le pensais. Rien que de penser que dans un instant je vais me retrouver sur scène devant tous ces gens, ça me file une peur bleue.

Théo surgit derrière moi et me souffle à l'oreille :

_ Alors, tu es prête ?

Si je suis prête ? Non mais il se fout de moi ? Je suis au bord de la crise d'angoisse et lui il me demande ça !

_ Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Franchement, regarde-moi, j'ai l'air d'être prête ?

Il me regarde un instant et il est bien forcé de me répondre :

_ Pas vraiment non.

Il ajoute dans l'espoir de me tranquilliser :

_ Tu as le trac, voilà tout. C'est normal, ça arrive même aux plus grands artistes !

Ses efforts pour m'apaiser sont admirables mais ils restent vains. Je ne tiens pas en place. J'ai chaud. Je tremble de tous mes membres. L'oxygène me manque. J'ai la tête qui tourne à tel point que j'ai la pénible impression d'être sur un navire chahuté par une tempête de force 5. Un navire qui, j'en suis sûre, va chavirer. Oui, le navire Victoire file droit au naufrage, ça ne fait aucun doute. Je n'aurais jamais dû écouter Théo. Il a suffi qu'il me complimente un peu pour que je cède et que j'accepte de le suivre dans cette galère. C'est de sa faute si je suis là. C'est de sa faute si je suis sur le point de me ridiculiser devant tout le monde. Tout est de sa faute en fait ! Et puis regardez-le avec son sourire détaché. Comment est-ce qu'il fait pour rester aussi calme ? A croire que le fait de se produire sur la scène nationale de Bonlieu lui est indifférent.

_ Comment peux-tu être aussi détendu dans un moment pareil ? je finis par lui demander.

Il s'approche de moi et en me fixant droit dans les yeux d'un air rassurant, il me lance :

_ Si je parviens à être si détendu, c'est pour une raison simple.

_ Eh bien j'aimerais beaucoup la connaître ta raison simple parce que moi je ne vois aucune raison d'être détendu justement.

Il s'avance encore un plus près de moi. Il pose ses mains sur mes épaules et poursuit avec ce sourire insouciant qui lui va si bien :

_ Cette raison, c'est toi. Quand je suis avec toi, je n'ai peur de rien, pas même de me produire sur la scène du théâtre Bonlieu devant mille personnes.

Il ne faudrait pas que je le reprenne à me dire des choses aussi craquantes, sans quoi je n'aurais pas d'autre choix que de lui sauter dessus pour l'embrasser. Oh bien sûr, je sais que je vais l'embrasser dans un futur plus ou moins proche car depuis quelques jours l'envie de le faire surpasse largement la peur des conséquences qui pourraient en découler. Mais je ne dois pas le faire maintenant. Le moment serait très mal choisi. Je me connais, si je lui vole un baiser maintenant, je vais me sentir toute chamboulée, tellement chamboulée que je serai incapable chanter quoi que ce soit. Or si tous ces gens sont là ce soir, si mes parents et ma sœur sont là ce soir, c'est pour me voir chanter.

Juste une fille bien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant