Lorsque Fusae émergea le matin suivant, le jour était déjà levé depuis un certain temps. De timides rayons de soleil se faufilaient entre les interstices du rideau et déposaient leurs lueurs dorées sur l'oreiller, fleurs de lumière sur la tiédeur des draps. Elle inspira lourdement, l'esprit encore en apesanteur. Des effluves de cannelle et de miel lui chatouillaient les poumons dans une série de picotements à travers sa poitrine, si résolument familières, si enivrantes pour son cœur bien entiché. Un sourire frémit au coin de ses lèvres, et roulant sur le côté pour enfouir son visage dans l'oreiller, elle respira à fond l'odeur de Tooru. Son cœur voleta de plaisir. Il était déjà levé depuis longtemps mais une part de lui restait auprès d'elle.
De longues secondes s'écoulèrent dans le brouillard du réveil. À l'exception de quelques bruits distants, un mélange de sifflements de bouilloire et de murmures incompréhensibles en provenance de l'extérieur, le calme régnait en maître autour d'elle. Un soupir d'aise franchit la barrière de ses lèvres. Ça avait un côté reposant, ce silence partiel aux échos de dimanche en famille. Elle aurait pu passer des heures dans cette atmosphère cotonneuse, à somnoler dans le demi-jour et la volupté qui en découlait, seule face aux songes de son cerveau vaguement éveillé. Or quelque chose – ou plutôt quelqu'un – retarda considérablement ses plans. Une série de pas éthérés retentit au loin, rythmée par des rires discrets qui montaient en crescendo au fil des secondes, et enfin la porte s'ouvrit à la volée à faire bondir son cœur hors de sa poitrine.
— Taïaut ! s'exclama le petit Haru en bondissant sur le lit de tout son poids, pour s'en servir comme trampoline dans la seconde, et les cris suivirent. Fusae, Fusae ! Maman a dit de venir te réveiller, elle veut manger le petit-déjeuner en famille !
— Haru ! J'ai dit « calmement » ! le réprimanda aussitôt sa mère depuis la cuisine, sans réel succès.
— Mais je suis calme ! En plus, c'est des pancakes, comme aux États-Unis !
L'adolescente retint un grognement plaintif, qui disparut dans l'ouate de son oreiller quand elle s'enfonça sous sa couette pour étouffer les cris autour d'elle. Ça ne marcha que moyennement, à son plus grand dam. Quelques secondes encore, le matelas s'affaissa au rythme des sautillements du garçonnet, jusqu'à ce qu'il ne s'affale sur elle pour encercler entre ses bras potelés la masse de couvertures que constituait Fusae.
— Grande sœur, zézaya-t-il au-dessus d'elle, d'une voix moins criarde, plus posée. C'est un secret mais... tu sais que c'est Tooru qui les a fait avec maman, les pancakes ?
À l'abri de la couette, les paupières de la jeune fille s'ouvrirent en grand sous la surprise, puis elle fronça les sourcils. Son voisin savait cuisiner ? Des recettes américaines qui plus est ? Ils n'en avaient jamais trop parlé, à chaque fois autour d'une table de restaurant quand ils venaient à mentionner un plat ou autre, mais ça avait le don de la prendre de court, elle qui s'était imaginé un Tooru trop focalisé sur le volley-ball pour se souvenir de manger. C'était pour le moins inattendu. Si elle avait été là, Yuna lui aurait sans doute même intimé – avec sa discrétion légendaire – de l'épouser sur-le-champ. Ça eut le mérite de lui arracher un sourire discret, avant que le principal concerné ne débarque dans la conversation.
— Ah la la, c'est donc de famille de ne pas savoir tenir sa langue ? chantonna la voix du volleyeur qu'elle devinait à quelques pas d'eux, et le matelas tressauta lorsque son frère se redressa.
— Oh, Tooru ? J'te promets que j'ai rien dit ! s'empressa de couiner Haru à ses côtés, une pointe de panique innocente dans les mots.
— Pour de vrai ? Je peux demander à Sae-chan, du coup ?
— C'est vrai, il a rien dit, confirma Fusae d'une voix endormie depuis le fin fond de ses couvertures.
Seul le rire de son voisin leur répondit, discret dans le silence du matin, et vite suivi de ses pas nonchalants sur le parquet de la chambre. Il finit par s'arrêter au bord du matelas, à une épaisseur de tissu à peine de la demoiselle, qui sentit ses sens s'affoler d'emblée de le savoir si proche – peu importe combien ils l'avaient été la veille. Elle tendit l'oreille, à l'affût de ce qu'il allait bien pouvoir répondre. Et pourtant aucun mot ou taquinerie ne secoua l'air de la pièce, pas plus que ses menaces à deux balles, car il se laissa plutôt tomber sur le lit dans un éclat de rire, faisant glisser la couverture de son visage au passage.
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La Fenêtre d'en face |HQ!!|
FanfictionFusae, lycéenne introvertie, est passionnée par le dessin. Chaque soir, elle dessine à son insu des portraits d'Oikawa Tooru, un inconnu au charme irrésistible qui habite dans l'immeuble en face du sien. Rien ne les destine à se croiser, jusqu'au so...