Quarante-huit minutes.
Fusae avait été au téléphone avec Oikawa pendant quarante-huit minutes. C'est le lendemain matin qu'elle s'en était aperçue, au réveil, en sentant contre sa joue endolorie la vitre froide de son téléphone. La batterie était alors presque vide, et l'appareil croulait sous les messages de Yuna et de Minako, mais les chiffres étaient bien là, plus évocateurs que jamais. Elle avait senti ses joues chauffer, brûler d'un cramoisi éclatant qui détonna d'enfer avec le coton blanc de son édredon – à tel point qu'on aurait cru voir le drapeau de son Japon natal – or aucun regret n'avait point dans son esprit. Ne restait qu'une plénitude indescriptible au creux de sa poitrine, une volupté cotonneuse à laquelle elle ne pouvait pas, ne voulait pas, se dérober. De quoi affronter toutes les contrariétés du monde, en somme.
Les heures et les jours s'envolèrent par la suite comme les aigrettes d'un pissenlit dans le vent. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'adolescente était de retour à Sendai, dans la sécurité du cocon maternel, dans la redondance rassurante de son quotidien. La fin du mois d'octobre approchait, et avec elle, les examens de mi-trimestre ainsi que l'anniversaire de Yuna.
— J'ai réservé le karaoke pour toute la soirée de vendredi, annonça sa meilleure amie au retour du week-end suivant, après une semaine déjà écoulée. Comme ça, on pourra y aller direct juste après les cours !
Son exclamation attira les coups d'œil curieux de quelques rares camarades lycéens, mais fort heureusement pour la grande gueule qu'était sa meilleure amie, le genkan de l'établissement était encore partiellement désert en raison de l'heure matinale. Fusae leva les yeux des chaussons qu'elle était en train d'enfiler pour contempler Yuna.
— Ah ? Du coup y'aura Marika et les filles de la classe ?
— Yep, enfin pas tout le monde, juste celles avec qui on traîne.
— Je vois, ça s'annonce cool.
Et l'autre d'approuver. Sur ces mots, les deux adolescentes s'engagèrent lentement mais sûrement dans les escaliers en direction de leur salle de classe, tandis que la plus âgée des deux listait distraitement toutes les personnes qui seraient présentes à sa fête d'anniversaire. Si elles croisèrent quelques professeurs ou élèves sur le chemin, seul le silence les accompagna à travers le couloir des deuxième année. C'est ce moment que choisit Yuna pour changer de sujet de conversation.
— Sinon, ça fait un moment que tu m'as pas parlé de ton volleyeur. Qu'est-ce qu'il devient ? Enlevé par des extraterrestres ?
Sa question si soudaine tomba comme un cheveu sur la soupe de leur discussion, à tel point que Fusae ne répondit pas tout de suite. Comme il le lui avait indiqué, Oikawa s'était muré dans un silence troublant au cours des derniers jours, tant dans ses messages que sur les réseaux sociaux. Ses entraînements de volley-ball l'avaient complètement happé, pour ne le libérer que tard dans la soirée – et même là, elle savait grâce à quelques rares stories Instagram que le brun s'enfermait dans les rediffusions de matchs jusqu'aux plus sombres heures de la nuit.
— Complètement accaparé par ses entraînements, soupira-t-elle alors, en réponse à sa meilleure amie. Et c'est pas mon volleyeur...
— Mouais, tu t'acharnes quand même à le dire. Ça fait combien de temps que vous vous êtes pas parlé ?
— Euh... je sais pas. Une semaine et demie, je crois.
C'était étrange, comme ces quelques jours lui avaient paru plus longs que ce qu'ils n'étaient réellement. Elle n'irait pas jusqu'à dire que son voisin lui manquait, non... mais son absence pesait quand même légèrement sur son quotidien. Et Yuna dut le sentir, puisqu'elle eut un sifflement admiratif :
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La Fenêtre d'en face |HQ!!|
FanfictionFusae, lycéenne introvertie, est passionnée par le dessin. Chaque soir, elle dessine à son insu des portraits d'Oikawa Tooru, un inconnu au charme irrésistible qui habite dans l'immeuble en face du sien. Rien ne les destine à se croiser, jusqu'au so...