Chapitre 4 · Entre deux façades

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Un silence de mort planait sur les trois adolescents qui remontaient la rue. Le soleil couchant projetait leurs ombres sur le macadam tiédi par la chaleur estivale : deux silhouettes gigantesques, une plus petite claudicante, et une tâche encore plus petite, qui ne cessait de bondir joyeusement. Un groupe des plus atypiques, en somme.

Fusae gardait le silence. D'un, parce que ses genoux menaçaient de céder à tout moment tant ils se consumaient de douleur – et sa joue et son avant-bras la lancinaient tout autant. De deux, parce qu'il était tout de même compliqué de démarrer la conversation avec deux inconnus après s'être mangé le sol de façon spectaculaire et avoir vomi sur un desdits inconnus. Elle réprima un frisson à cette pensée ; cette rencontre était catastrophique. L'adolescente jeta un coup d'œil furtif à Oikawa Tooru, qui marchait avec nonchalance un peu au devant d'elle, sans cesser de ronchonner. Son voisin n'était pas du tout comme elle se l'imaginait. Bien sûr, elle ne comptait plus le nombre de fois où sa mère lui avait répété qu'il ne fallait pas se fier aux apparences, mais chaque fois qu'elle l'avait épié le soir, Fusae l'avait toujours vu très calme et posé. Même les rares soirs où son coéquipier l'avait raccompagné chez lui, il n'avait jamais été aussi... perturbant.

— On n'est plus très loin de chez toi ?

Brutalement arrachée à ses réflexions, la lycéenne leva les yeux vers Iwaizumi, qui était resté à ses côtés pour la rattraper au cas où elle perdait l'équilibre. Ils étaient quasiment arrivés à destination, à vrai dire ; ils venaient d'entrer dans la rue où elle habitait – et celle où Oikawa résidait également. Or ça, ils l'ignoraient encore et elle n'était pas pressée de le leur annoncer. Alors elle se contenta de secouer la tête en guise de réponse.

— Non, on y est presque, sourit-elle.

Les derniers mètres à parcourir furent une torture pour Fusae, autant physique que morale, entre ses genoux amochés sur lesquels reposait tout son poids et cette angoisse naissante en provenance d'elle ne savait où, à l'idée d'annoncer à Oikawa qu'ils étaient voisins. C'était ridicule, mais elle ne pouvait pas la réprimer. Et lorsqu'ils arrivèrent à hauteur de la porte d'entrée des deux immeubles, cependant, leurs pas ralentirent imperceptiblement.

— Bon, les gars, fit alors la voix traînante d'Oikawa. C'est pas que je vous aime pas, mais...

— Tu vas en profiter pour rentrer chez toi maintenant, c'est ça ?

La question d'Iwaizumi le fit tressaillir, et bien que plus grand, le brun se raidit comme un piquet. Puis un sourire embarrassé mêlé de malice étira ses lèvres.

— Moui, c'est ce que j'ai plus ou moins prévu de faire ~

— T'es la pire des bouses, lâcha son interlocuteur sans sourciller.

— C'est pas très gentil ça, Iwa-chan, protesta Oikawa en faisant la moue.

— Et pourtant c'est la vérité.

Cette pique arracha un soupir plaignard au volleyeur, qui pencha la tête sur le côté.

— Écoute, l'entraînement m'a achevé, je veux juste rentrer chez moi et me poser devant ma télé. Malgré tes airs d'ours mal léché, tu peux comprendre ça, Iwa-chan ?

— D'ours... commença à s'offusquer Iwaizumi, mais il fut interrompit par une voix plus aiguë.

— J'vais y aller aussi.

C'était sorti tout seul. Les deux garçons du groupe décochèrent un coup d'œil surpris vers Fusae, qui venait de lâcher ces quelques mots comme une bombe dans la conversation. Elle se surprit elle-même de leur avoir coupé la parole pour dire ça. Mais ce n'était pas de sa faute, tout de même, si les mots d'Oikawa avaient déclenché en elle la même envie de s'affaler sur son canapé et ne plus bouger de la soirée ? C'était peut-être même plus fort chez elle, après le début de soirée absolument pourri qu'elle venait de passer.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant