Chapitre 10 · Tenir bon

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— Bonsoir, petite voisine ~

Les mots d'Oikawa Tooru – dont elle avait dès la première syllabe reconnu le timbre si particulier – tombèrent sur ladite Sae-chan comme la misère sur le pauvre monde. Il ne lui fallut qu'une fraction de seconde pour réagir, mais ce laps de temps fut suffisant à la jeune fille pour assimiler ce qui venait de se passer. D'emblée, elle écarquilla les yeux, avant de faire volte-face précipitamment, le corps raide comme du fil de fer. Ce mouvement fut aussi vif que brusque, car en se retournant, elle flanqua par mégarde un violent coup de coude au garçon qui se tenait derrière elle. Un « oof » se fit entendre tout près de son oreille droite. Et sous son regard horrifié, son voisin recula de trois pas, plié en deux par la douleur.

— Oh, pardon pardon pardon ! couina-t-elle, les deux mains plaquées sur sa bouche.

Un juron lui brûla les lèvres sans jamais les dépasser, alors que les insultes fusaient dans son esprit, toutes dirigées contre elle-même. Il l'avait sans doute vue sonner chez lui, avait peut-être même écouté sa conversation avec Yuna, et maintenant elle lui faisait mal. Par tous les dieux, qu'avait-elle donc fait pour avoir un karma aussi éclaté ?

— T'inquiète, haleta Oikawa et il leva une main pour la rassurer quand elle tenta de s'approcher à pas comptés. C'est bon, ça va... j'suis en vie.

Il lui fallut quelques secondes tout au plus pour se remettre du choc, tandis que Fusae ne le quittait pas des yeux, aussi compatissante que dévorée par la culpabilité. Comment avait-elle fait pour ne pas le remarquer ? Et pourquoi s'était-il glissé derrière elle comme une ombre ? Avait-il tout entendu des mots échangés avec Yuna ? Elle ne put pas se poser davantage de questions, puisque sa grimace disparut sous un rire mal contenu et pourtant discret.

— Y'a pas à dire, reprit le garçon entre deux pouffements, t'as de la force, petite voisine. Je vais finir par croire que tu veux ma mort.

— J'suis désolée, vraiment...

Un sourire frémit au coin de ses lèvres à cette phrase qu'il balaya du revers de la main, puis il se redressa de toute sa hauteur face à elle. Là, dans la rue piétonne, alors que le soleil se faufilait entre les immeubles et projetait leurs ombres sur le sol, l'adolescente se rendait seulement compte de sa grande taille. Il la dépassait d'au moins une tête, ce qui n'était franchement pas compliqué vu qu'elle avoisinait le mètre soixante, mais ça restait étourdissant. Bientôt elle devait tendre le cou pour croiser son regard. Ce même regard qui pétilla soudain d'une lueur interrogatrice.

— Tu voulais entrer ?

— Hein ? fit-elle, brutalement arrachée à ses pensées hébétées.

Elle cligna des yeux trois fois, avant de lui lancer un coup d'œil perdu. Pour toute réponse, Oikawa désigna d'un coup de menton l'immeuble derrière elle. Fusae suivit vaguement son regard sans comprendre, avant qu'il n'explicite sa question.

— T'as sonné à mon interphone, je suppose que c'était pour aller voir quelqu'un qui vit ici.

— Ah ! s'exclama-t-elle précipitamment, se rappelant alors pourquoi elle était venue. Eh bien, en fait je...

Elle s'interrompit, à la recherche de ses mots. Que devait-elle dire, déjà ? L'image de son carnet lui traversa l'esprit, avant de disparaître dans le néant lorsqu'elle leva les yeux vers son voisin. Sa grande taille, le coup qu'elle venait de lui mettre, le souvenir de ses chaussures salies par ses soins, tout éclipsa ce pourquoi elle était venue timidement sonner chez lui. Ça la tétanisait. Alors elle balança la première chose qui lui passa par la tête.

— J'me suis trompée d'immeuble.

Blanc.

Et elle de se gifler mentalement. Pourquoi fallait-il qu'elle parle toujours sans réfléchir comme ça ? Oikawa haussa les sourcils, résolument sceptique. Puis un sourire moqueur incurva le coin de ses lèvres.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant