Chapitre 12 · De l'autre côté

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Inspiration. Expiration.

L'air se fendit sous le soupir qui quitta les lèvres de Fusae, dans une vaine tentative d'exhaler son angoisse soudaine. Il lui était difficile de rester calme, quand non seulement elle entrait pour la première fois de sa vie dans la chambre d'un garçon, mais en plus, c'était celle d'Oikawa Tooru. Ses yeux ne cessaient de papilloter dans tous les sens pour s'imprégner des moindres détails qu'elle apercevait çà et là, sans pour autant oser s'y arrêter trop longtemps et donner l'impression de fouiller les lieux. Car la curiosité était forte, bien plus que ce qu'elle n'aurait cru.

C'était une chambre normale, plus ou moins semblable à la sienne – quoiqu'un peu plus grande, peut-être. Les murs de couleur crème apportaient sûrement davantage de lumière et de profondeur à la pièce que ses propres murs pourpres. Ils étaient d'ailleurs vides de toute décoration, ces murs, aussi intacts qu'une feuille à dessin vierge. Cela frappa Fusae. Elle qui avait plutôt imaginé une chambre haute en couleurs, reflet de la personnalité taquine de son voisin, la voilà face à ses désillusions, encore. Et alors qu'elle laissait son regard s'aventurer un peu plus loin, frôlant les limites du convenable en tant qu'invitée, elle s'en aperçut bien vite. À l'exception d'un coussin aux couleurs de la NASA, de deux ou trois ballons de volley abandonnés dans un coin et d'un Playmobil extraterrestre qui traînait sur une étagère, rien ne laissait paraître quoi que ce soit sur les goûts du garçon. Bien sûr, en cherchant bien, dans la bibliothèque ou au-dessus de l'armoire, on devait pouvoir trouver des pépites, mais la véritable personnalité d'Oikawa restait un mystère total pour les visiteurs.

— Fais comme chez toi, je m'occupe de ton carnet dans deux minutes.

La voix du volleyeur arracha l'adolescente à ses observations furtives. Son yeux revinrent sur lui, qui retirait agilement le chandail sans manche de son uniforme. Gênée, elle s'en détourna très vite en pinçant les lèvres.

— Tu pourrais attendre que je sois partie avant de te déshabiller, marmonna-t-elle, et il gloussa en réponse.

— J'ai juste chaud, je compte pas me déshabiller entièrement, rassure-toi.

Si elle renifla, légèrement sceptique, Fusae ne répliqua pas et, comme il l'avait invitée à le faire, se laissa presque tomber sur le futon au milieu de sa chambre. Une odeur de lavande mêlée de cannelle flottait dans l'air, assez piquante pour qu'elle la remarque sans pour autant s'y attarder.

— Ah la la, tes dessins ont fait fureur au lycée, Sae-chan ~

Non loin, assis à l'envers sur son fauteuil de bureau, son voisin avait abandonné son pull en laine et était en train de sortir de son sac de cours le carnet à dessins qu'elle convoitait tant. La couverture d'un éclatant rouge orangé miroita une fraction de seconde dans ses yeux, avant de disparaître quand il l'ouvrit pour le feuilleter distraitement. Un court instant, elle se surprit à imaginer comment dessiner cette posture nonchalante, ce regard songeur et ces lèvres à la courbe parfaite. Comment parvenait-il à tout rendre pittoresque, comme ça ? Le temps s'arrêta. Puis les pupilles d'Oikawa coulissèrent vers elle. Son sourire moqueur la sortit de sa transe artistique et elle se ressaisit, aussi vexée qu'embarrassée. Alors enfin les mots du garçon la heurtèrent de plein fouet.

— T-tu les as montrés à tout le monde ? laissa-t-elle échapper de surprise.

— Non, pas tout le monde. Seulement les gars de mon équipe.

— Je vois...

Rassurant, si ce n'était que les membres d'une équipe si réputée que le club devait compter, à la pelle, une vingtaine de joueurs. Fusae déglutit. Des échos de sa rencontre avec Iwaizumi au supermarché lui revenaient, et cela ne l'aidait pas à se calmer. Ça dut se voir sur son visage, puisque sans se départir de son sourire, son voisin ajouta :

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant