La porte de l'appartement s'ouvrit sans un bruit au premier coup de clé. Fusae jeta un coup d'œil fébrile par-dessus son épaule, accrochant dans ce geste le sourire taquin de son voisin qui la fit rosir, avant d'entrer chez elle avec timidité. Oikawa lui emboîta le pas dans la seconde, véritable géant par rapport à elle dans le vestibule exigu, tandis qu'elle refermait la porte derrière lui. Ça n'était pas la première fois qu'il venait chez elle ; elle se souvenait très bien la fois où elle l'avait trouvé dans sa chambre en rentrant, où il avait découvert que c'était elle qui avait dessiné quelque trente portraits de lui. Pourtant, son regard mordoré arpenta la pièce avec intérêt, des photos de Minako et elle sur les murs, au petit meuble où elle venait de déposer ses clés, jusqu'à s'arrêter sur sa silhouette. Elle déglutit sous son attention, puis déposa ses clés.
— Ma mère n'est pas encore rentrée, constata-t-elle en avisant les chaussons de l'adulte dans un coin du genkan. Mais elle a dû ramener des dorayakis ce midi en rentrant manger. Fais comme chez toi.
Son invité s'exécuta sur un petit rire, alors même qu'elle se maudissait pour le tremblement de sa voix. Elle ne put pas se laisser troubler davantage, car des pas précipités retentirent dans le silence des lieux, et bientôt la silhouette duveteuse de Kabu apparut au bout du couloir. La chienne gambada joyeusement jusqu'à sa maîtresse, qu'elle salua d'un coup de museau contre sa main et Fusae lui rendit son affection par une caresse distraite sur le sommet du crâne. En se penchant troquer ses chaussures contre ses pantoufles, la jeune fille s'aperçut que Tooru plissait les yeux en direction de l'animal, qui s'était docilement assis devant lui.
— Tu as peur de Kabu ? s'étonna-t-elle, et son regard coulissa vers elle, davantage amusé que vexé par cette perspective.
— Pas vraiment, répondit-il de ce sourire en coin terriblement craquant. C'est juste que la dernière fois que je l'ai vu, il m'a presque sauté dessus pour bouffer mon ballon de volley.
Le souvenir était on ne peut plus clair dans l'esprit de l'adolescente, puisque c'était ce jour-là qu'ils s'étaient rencontrés, dans une succession catastrophique de perte de carnet à dessins, de chute sur le macadam et de vomi sur les pieds. Une bien terrible journée pour tous les deux, en somme. Et maintenant pourtant, Oikawa était là, debout au milieu de son vestibule, après qu'elle l'avait elle-même invité à le suivre. Trop de choses s'étaient passées depuis ce moment-là, et c'était difficile d'en faire abstraction.
— C'est une femelle, expliqua-t-elle pour toute réponse. Et à moins que tu ne m'embêtes vraiment, elle devrait te laisser tranquille.
— Ça me donnerait presque envie de t'embêter à fond, juste pour voir ~
Si elle ne parvint pas à réprimer son rire, Fusae ne répondit pas et s'avança dans le couloir pour rejoindre la cuisine. Elle savait que son voisin était sur ses talons, à ses pas qui se calquaient sur les siens, à son souffle qui frôlait le sommet de son crâne, mais surtout à sa main qui effleura la sienne à plusieurs reprises au fil de leur progression. Elle s'efforça d'en faire fi, en dépit des étincelles qui revenaient danser dans sa poitrine, mais ça n'était pas chose aisée, surtout avec sa voix qui ne cessait de ronronner tout près de son oreille.
— Tu as appelé ton chien « navet » ? s'enquit-il, quelque peu moqueur, le regard rivé vers Kabu qui les talonnait de près.
— C'est pas moi qui ai choisi, c'est ma sœur... bougonna-t-elle. Pour sa défense, on venait de voir Hauru no Ugoku Shiro*.
— Je vois. C'est pour ça qu'elle saute partout comme un épouvantail.
Nouveaux rires, qui s'évanouirent dans le silence de l'appartement. Ils débouchèrent dans la cuisine, où la jeune fille trouva sans surprise un sac en papier sur le plan de travail. Un post-it les accompagnait, où quelques kanjis habilement tracés disaient « Réduc de 50% = deux fois plus de pâtisseries ;) », et elle se figura avec un petit rire que ça tombait bien.
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La Fenêtre d'en face |HQ!!|
FanfictionFusae, lycéenne introvertie, est passionnée par le dessin. Chaque soir, elle dessine à son insu des portraits d'Oikawa Tooru, un inconnu au charme irrésistible qui habite dans l'immeuble en face du sien. Rien ne les destine à se croiser, jusqu'au so...