Chapitre 17 · Mise en scène

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La semaine s'écoula à une vitesse folle. Vite, bien trop vite au goût de Fusae, le ciel azur du samedi s'étendit au-dessus de la ville. L'été était définitivement révolu. Sa touffeur habituelle avait été peu à peu remplacée par les fraîches brises de l'automne et ses chutes de feuilles inopinées. L'adolescente réprima un frisson, tout en resserrant son gilet autour d'elle. Sa robe à fleurs était jolie, mais ne tenait pas très chaud – elle osait espérer qu'Oikawa apprécierait ses efforts vestimentaires en tant que « petite-amie » ou bien il en entendrait parler. Pour ça encore fallait-il qu'il daigne montrer le bout de son nez.

Nouveau coup d'œil nerveux vers son téléphone portable ; treize heures quinze. Elle ignorait combien de temps il fallait pour rejoindre le lycée Aobajohsai à pied, mais ça lui semblait quand même short si le match commençait effectivement à quatorze heures. Et s'il était le capitaine qu'il prétendait être, elle espérait au moins que ses compétences de leader n'égalaient pas son sens de la ponctualité, ou alors elle ne donnait pas cher des futures victoires de Seijoh. Au moment où elle se disait que son équipe était condamnée à jouer sans son capitaine, toutefois, Fusae sentit une large main s'abattre sur son épaule.

— Hai hai, Sae-chan, je suis là ~

Sa voix si horriblement familière résonna près de son oreille et dans son esprit tout entier, si bien qu'il lui fallut au moins une ou deux secondes – où elle le maudit sur dix générations – pour se retourner vers Oikawa. Il revêtait son survêtement blanc et turquoise, dans lequel elle l'avait aperçu tant de fois ces derniers mois, qui apportait tant de luminosité à son visage. Éblouissant. Le brun la regarda de haut en bas, et son sourire s'agrandit.

— Tu t'es même fait belle pour moi, quelle petite-amie parfaite ~

L'adolescente s'arracha à sa contemplation dans un battement de cils ahuri et, un picotement désagréable dans les joues, elle s'emmêla aussitôt dans son élocution :

— Ah, euh... oui, je me suis dit que ça serait bien pour être crédible, tout ça quoi.

— C'est nickel, sourit-il aussi sec, avant de l'inviter à se mettre en marche. On y va ?

Fusae acquiesça mollement, puis d'un pas traînant, lui emboîta le pas en direction de la sortie du quartier. Son voisin se chargea d'animer le plus gros de leur trajet, notamment avec quelques taquineries entre deux indications sur la rencontre sportive ou sur son équipe. Plusieurs noms défilèrent dans la discussion, tellement nombreux qu'elle n'en retint aucun – ou alors un de ses coéquipiers s'appelait effectivement Watatsun. Le seul qu'elle releva fut celui d'Iwaizumi, d'un parce qu'elle le connaissait, d'autre parce que lui aussi venait accompagné.

— Tu verras, elle est trop sympa, la copine d'Iwa-chan ~

— C'est vraiment sa copine ? s'enquit Fusae au bout d'un moment, une pointe de scepticisme dans la voix. Ou lui aussi il a demandé à sa voisine de faire semblant parce qu'il sait pas mettre des stops aux gens ?

— Ouh, Sae-chan sort ses griffes, sourit-il, nullement vexé par la pique. C'est marrant, je te voyais pas aussi hargneuse quand t'as gerbé sur mes chaussures.

Un air offusqué balaya les traits de la jeune fille, qui lui décocha un regard assassin, auquel il répondit par un sourire encore plus narquois. Agacée, elle s'en détourna dans un soupir, et ils poursuivirent leur conversation comme leur trajet. Les piques et les pas les guidèrent à travers la ville, en pleine effervescence à ce moment de la semaine, en dépit de la météo moins clémente qui arrachait des frissons à Fusae. À mi-chemin entre leur minuscule rue piétonne et la grande avenue de Sendai, toutefois, le volleyeur emprisonna sa main dans la sienne, plus grande et un peu calleuse, ridiculement chaude par rapport à la fraîcheur automnale. Elle était parfaitement consciente que ce n'était que pour la forme, pour rester crédibles car ils n'étaient plus très loin de Seijoh à en croire les dires du garçon, mais elle ne put pas lui reprocher son manque de délicatesse, de patience à son égard. Par trois fois, la jeune fille se surprit même à lever un regard discret et curieux vers lui, vers son profil délicat qui se détachait du reste de la ville et qu'elle avait encore une fois de folles envies de s'approprier – avant de tout chasser de son esprit en une fraction de seconde. Soupir. Plus vite ce match d'entraînement serait fini, plus vite elle pourrait le dessiner.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant