Chapitre 5 · Le sort s'acharne

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Fusae passa l'entièreté de son week-end à fuir. Que ce soit la fenêtre de sa chambre, les moments avec sa mère et sa sœur, ou bien les sorties de l'appartement ; elle mit tout en œuvre pour s'éloigner autant que possible de cette soirée maudite où elle s'était vautrée sur le macadam devant Oikawa Tooru, avant de vomir sur ses chaussures. Elle voulait tout oublier, se faire oublier de son voisin qu'elle avait passé tant de semaines à épier. Le soleil se coucha et leva ainsi trois fois sur la ville, sans qu'elle n'immortalise l'horizon sur son carnet à dessins.

Le lundi matin suivant, au moment de partir au lycée, l'adolescente dut se rendre à l'évidence : elle ne pouvait pas fuir éternellement. Il faudrait bien qu'elle sorte de son terrier un jour ou l'autre, ne serait-ce que pour ses cours. Et ce jour était arrivé, bien trop vite à son goût. Aussi, c'est d'un pas traînant qu'elle quitta l'appartement familial sous les sempiternelles recommandations de sa mère :

— Et si tu as encore mal aux genoux, va voir l'infirmier du lycée, surtout !

Les blessures avaient été, comme elle s'était imaginée, plutôt superficielles ; de simples éraflures plus douloureuses que profondes, qui avaient déjà presque séché lorsque Minako les avaient désinfectée à leur retour dans l'appartement. Bien sûr, sa sœur l'avaient charriée comme jamais en l'imaginant se vautrer lamentablement sur le sol, mais elle l'avait aidée et réconfortée à sa manière. Ça avait été une tout autre ambiance lorsque leur mère était rentrée du travail : ses yeux étaient presque sortis de leurs orbites et, persuadée qu'elle était alors aux portes de la mort, elle avait interdit à la cadette de marcher plus de cinq mètres – à savoir la distance entre sa chambre et le petit coin. Aussi, comme tout enfant qui tente de fuir le trop-plein d'inquiétudes maternelles, Fusae lui répondit ce qu'elle voulait entendre.

— Promis, maman ! s'exclama-t-elle, en sachant pertinemment qu'elle ne respecterait jamais sa promesse.

La brise matinale l'accueillit au premier pas qu'elle posa dans la rue et elle s'en régala. Il n'y avait pas à dire, après deux jours enfermée dans sa petite chambre aux rideaux tirés, la lumière du jour avait une tout autre saveur. Une douce frivolité flottait dans l'air et elle attendit quelques minutes avant de se mettre en route, pour la respirer à pleins poumons. Fusae en avait bien besoin pour calmer ses inquiétudes qui, après une grande bouffée d'air frais, paraissaient si futiles. Après tout, quelles étaient les probabilités pour qu'elle croise Oikawa Tooru en sortant de chez elle ?

— Oh, ma petite voisine cascadeuse ~

Le vent du matin perdit toute sa douceur en une fraction de seconde. Fusae baissa les yeux du ciel qu'elle contemplait rêveusement pour embrasser du regard la silhouette svelte du volleyeur qu'elle avait tant de fois dessinée. Sous ses cheveux bruns qui dansaient dans la brise, un air narquois balayait ses jolis traits. Comment avait-elle fait pour l'épier pendant aussi longtemps et ne pas se rendre compte de son attitude abjecte ? Non, ce n'était pas lui qui était abject, mais plutôt la façon dont elle s'était laissée bercer par ses propres illusions.

— Salut, lâcha-t-elle avec un entrain proche du néant.

— T'as l'air ravie de me voir, dis donc, fit-il remarquer dans un sourire amusé, nullement vexé par son manque d'engouement. Moi aussi, du moment que tu ne me gerbes pas dessus, je suis plutôt content.

— Ne me rappelle pas cette histoire, s'il te plaît.

La lycéenne avait formulé cette demande en détournant le regard, la voix étouffée par l'embarras. Ce souvenir était tellement gênant qu'elle en était venue à fermer les yeux et secouer la tête pour le chasser de son esprit. Elle voyait difficilement comment cela pouvait être pire.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant