Chapitre 6 · À cœur entrouvert

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— Donc si je résume : tu t'es vautrée devant ton voisin super mignon avant de lui gerber dessus, et comble de tout ça, il est sur le point de découvrir que ça fait des mois que tu l'observes en scred pour le dessiner ?

Fusae hocha la tête sans grande conviction. Yuna, sa camarade de classe et accessoirement meilleure amie de longue date, avait plutôt bien résumé la situation tout à fait délicate dans laquelle elle se trouvait. Non sans difficulté, la lycéenne l'avait convaincue d'échanger son jour de corvée avec un autre élève pour qu'elles puissent se parler seule à seule. Ainsi, entre deux vidages de poubelle et un coup de balais, elle avait pu la mettre au jus sur cette histoire qu'elle ne parvenait pas à garder pour elle seule. Car au fond, elle savait très bien que Yuna ne la jugerait pas.

— Ma pauvre fille, t'es un aimant à catastrophes, laissa-t-elle échapper dans un rire qu'elle tenta de cacher derrière son éponge.

La noiraude revint sur ses pensées. Peut-être que la blonde ne la jugeait pas, mais elle la charriait sans aucun doute. Traîtresse.

— Désolée, couina-t-elle entre deux rires. Désolée, vraiment ! Mais faut avouer que tu les enchaînes, là...

— Je sais, soupira Fusae en continuant d'essuyer le tableau avec énergie. Mais je sais plus quoi faire pour éviter de me taper encore plus la honte.

— Tu peux toujours t'exiler au fin fond de la Sibérie ?

La suggestion de sa meilleure amie lui valut un regard blasé, qui disparut très vite sous leurs rires, et elles se remirent à la tâche avec autant de sérieux que possible. Quelques minutes s'écoulèrent sans que l'une ou l'autre ne parle, bercées par le silence terriblement paisible d'un lycée déserté par ses étudiants en fin de journée. Silence que Yuna ne tarda pas à briser, d'ailleurs.

— Je crève de chaud sérieux... chouina-t-elle. Tu peux pas ouvrir la fenêtre ?

— Tiens bon, on a presque fini, Yuna.

— Steuplait, t'es la plus proche... et je la fermerai !

Non sans un soupir, Fusae se détourna du tableau qu'elle nettoyait, pour aller ouvrir en grand la lourde fenêtre de la salle de classe. Dehors, l'été touchait à sa fin ; les feuilles commençaient à tomber des arbres et le vent emportait avec lui les vives couleurs des fleurs et du ciel. Bientôt ne resteraient que le rouge, le brun et le jaune, ainsi que la douce mélancolie d'une saison révolue, si emblématique de l'automne. Toutefois la chaleur résistait, plus étouffante que jamais, désireuse de s'éterniser un peu, juste pour quelques jours encore. Une folle idée lui traversa alors l'esprit.

— Ça te dit d'aller manger une glace avant de rentrer ? proposa-t-elle en se tournant vers Yuna. Ce sera la dernière de l'été.

— Oh carrément ! s'exclama cette dernière, enchantée. En plus ça te mettra du baume au cœur avec tes misères !

Un léger rire chatouilla les lèvres de l'intéressée. Sa sœur de cœur ne croyait pas si bien dire. Naturellement, l'idée première était de se rafraîchir. Mais faire un détour avant de rentrer lui éviterait aussi et surtout de croiser Oikawa devant l'entrée de leurs immeubles respectifs. Un coup d'œil vers l'éphéméride de la classe lui confirma qu'on était lundi et elle soupira de soulagement. Pour une raison qu'elle ignorait, son voisin rentrait toujours plus tôt le lundi.

— Super, on finit ça et on va chez le glacier pas loin de l'école primaire !

— Oh nan, se morfondit Yuna. Y'a toujours plein de gosses là-bas...

— Évidemment, c'est lui qui vend les meilleures glaces du quartier.

Fusae appuya son argument d'un coup d'œil éloquent en direction de sa meilleure amie, avant de se remettre au travail avec énergie. Elle s'autorisa même un sourire. Une bonne glace et du temps pour trouver une solution par rapport à Oikawa, c'était tout ce dont elle avait besoin pour l'instant.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant