Chapitre 32 ⋅ Un fossé à franchir

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Presque.

Ils s'étaient presque embrassés.

Encore et encore, cette idée avait tangué dans l'esprit de Fusae. Que ce soit pendant les longues minutes qui avaient suivi ce presque-baiser, où sa mère avait discuté avec Tooru alors que son esprit restait focalisé sur la sensation furtive de ses lèvres sur les siennes... Ou bien plus tard encore, lors de sa nuit quasi blanche et au beau milieu de l'ennuyeux cours de littérature, où l'image de ses doigts dans ses cheveux lui paraissait bien plus captivante que les textes médiévaux qu'elle devait étudier. Elle dut lutter autant que possible pour se chasser ces images de l'esprit – son charmant voisin l'empêchait décidément beaucoup d'y voir clair, en ce moment. Pire, même, une question bien plus sombre lui tiraillait l'estomac pour la première fois, teintée de remords ; pourquoi n'avait-elle pas été fichue de réduire d'elle-même cette maudite distance entre eux ?

Le jour suivant s'écoula dans le brouillard le plus total. L'hésitation accompagna Fusae à travers la cadence écrasante des cours, que ce soit dans ses gestes ou dans ses mots. Elle ne savait pas comment en parler à Yuna, ni même si elle voulait vraiment partager ce détail avec sa meilleure amie. Elle ignorait si elle devait envoyer un message à Oikawa, ou encore si elle devait aborder ce presque-baiser avec lui – au risque d'essuyer plusieurs taquineries qui lui retourneraient le cœur. Elle n'avait, au fond, pas la moindre idée de ce qu'elle désirait vraiment. C'est d'ailleurs parce qu'elle nageait dans le flou que sa toute première question finit par tout naturellement trouver une réponse à la fin de sa journée de cours.

— On a failli s'embrasser, lâcha-t-elle au moment où Yuna et elle sortaient de classe, éreintées par leur dernière heure de maths.

L'aveu trémolant de l'artiste faillit bien causer un arrêt cardiaque à sa meilleure amie. Et une rupture du cou, tant sa tête se tourna brusquement vers son visage rosissant.

— Attends, attends... fit Yuna, ahurie. Vous vous êtes enfin embrassés, et il te faut une journée complète pour me le dire ?

— On a failli, mais... ça s'est pas fait.

— Comment ça, « ça s'est pas fait » ? Vous avez décommandé et reporté à une prochaine fois, comme un rendez-vous à la banque ?

L'ironie arracha un regard blasé à Fusae, qui déglutit en expliquant. Décidément, c'était encore plus difficile de l'expliquer à voix haute que d'essayer d'y comprendre quelque chose.

— Mais non, c'est juste que... on a été interrompus. Ma mère est rentrée au moment où on allait se... bref, au moment où on allait le faire.

— Ah, la poisse, grimaça son amie. J'aime bien ta mère, mais bon pour le coup, mauvais timing.

Un silence légèrement approbateur lui répondit. Jamais elle ne pourrait l'avouer à haute voix, en tout cas pas à l'heure actuelle, mais Fusae ne pouvait pas lui donner tort. Yuna ne lui laissa pas le temps de tergiverser, cependant, telle l'energique meilleure amie qu'elle était :

— C'est pas grave, va. Vous en profiterez encore mieux le moment venu, au moins, lui confia-t-elle dans un sourire exagérément narquois.

— Oui, enfin... si ça arrive à nouveau, grimaça l'adolescente.

— Rohh, fais un peu confiance à la vie, dis. Il te l'a jamais dit, ton cher voisin, que t'étais vachement négative comme nana ?

L'artiste s'empourpra aussi vite qu'un feu tricolore qui passe au rouge. « Ce que tu es pessimiste », avait-il roucoulé la veille, tout enroulant une mèche de ses cheveux autour de ses longs doigts. Comment savait-elle ? Était-elle si prévisible que ça ? Ou bien était-ce une simple coincidence, que Tooru la connaisse aussi bien que sa meilleure amie, si ce n'est mieux ? Sa lèvre inférieure trembla d'une émotion qu'elle n'aurait pas su définir, et pourtant déjà Yuna passait à autre chose.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant