Chapitre 29 ⋅ Pareille

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Il faisait nuit noire à Sendai ce soir-là. Les étoiles n'étaient pas au rendez-vous, englouties par les nuages qui couronnaient le ciel ou la pollution lumineuse pour les plus résistantes. Seule la lune surplombait la ville de ses rayons vacillants, à peine visibles entre les buildings qui se disputaient l'horizon. Or là où les ténèbres devenaient peu à peu maîtres des lieux, Fusae se sentait rayonner de mille étincelles.

Oikawa ne l'avait pas tout de suite relâchée, et ça n'était pas quelque chose dont elle avait eu envie de se plaindre. Un long moment, assez long pour qu'elle perde la notion du temps, les deux adolescents étaient demeurés immobiles, lovés dans la chaleur de l'autre. N'importe qui aurait pu les surprendre, un voisin, un policier en pleine ronde, ou même leurs parents, mais la jeune fille n'en avait pas eu grand chose à faire, à vrai dire. Tout ce qui restait dans son esprit au bord de l'explosion, c'était le souffle brûlant de Tooru dans son cou, ses larges bras autour de sa taille, et son odeur chaude dont elle ne parvenait pas à se lasser. Aussi, quand l'étreinte autour d'elle se desserra bien des minutes plus tard, quand la chaleur des ses bras céda sa place à la brise automnale, une infime partie d'elle le regretta doucement.

— Tu... tu veux en parler ?

La voix de Fusae tremblota dans le silence de la rue, et elle n'était pas sûre que ce soit seulement dû au froid. Ils s'étaient assis sur le petit perron de son immeuble, à l'abri du vent et des regards curieux qu'il y aurait pu avoir à vingt-et-une heures passées. Dix malheureux centimètres les séparaient, si ridicules qu'elle pouvait encore sentir la tiédeur de son corps effleurer le sien, et cette simple idée avait le don d'affoler tous ses sens après leur... après leur câlin. Elle tritura les lacets de ses chaussures dans une vaine tentative de ne pas se laisser troubler par ses pensées, alors même que le volleyeur tout près d'elle laissait échapper un gloussement un peu triste.

— C'est gentil, Sae-chan, mais... je suis pas sûr que ça change quelque chose d'en parler.

Tout en disant cela, Oikawa avait tourné la tête vers elle pour la contempler. Il avait la joue appuyée sur ses genoux, qu'il avait ramenés contre lui comme un enfant qui cherche à se protéger du monde. Son air vulnérable aurait pu l'appitoyer, si sous ses longs cils charbonneux, son regard brun n'avait pas pétillé de malice. Cette pose éveilla toutes ses envies enfouies et jamais assouvies de le dessiner encore et encore, mais elle les réprima une à une pour se focaliser sur lui uniquement.

— Ça peut te faire du bien de juste... parler, argua-t-elle dans un haussement d'épaules. Tu sais, de n'importe quoi qui puisse te calmer.

La référence était on ne peut plus explicite, et elle s'empourpra à l'idée d'avoir répété mot pour mot ce qu'elle lui avait dit le soir de ce week-end chez son père, quand il avait répondu à son appel au beau milieu de la nuit. C'était spontané, mais pas tout à fait aléatoire non plus, une tentative timide de faire le parallèle entre leurs ressentis. En risquant un coup d'œil furtif vers son voisin et le sourire discret qui retroussait le coin de ses lèvres, Fusae sut qu'elle avait visé juste.

— T'as sans doute raison, ouais... admit-il à mi-voix, et ce serait un mensonge de dire que son cœur ne frémit pas en retour. Tu vas m'emmener manger un okonomiyaki, du coup ?

Oikawa appuya sa remarque d'une œillade taquine, qui arracha à la jeune fille un rire nerveux. Elle se sentit même rosir à l'évocation de cette sortie improvisée, où il l'avait écoutée parler de sa vie avec la patience d'un Bouddha sous sa cascade. Et même si elle descendit les manches de son gilet sur ses mains pour cacher sa fébrilité, l'artiste secoua la tête dans un sourire :

— C'est pas que je veux pas, mais je crois que la plupart des restaurants sont fermés à l'heure qu'il est.

— Hum, fit-il en suivant d'un regard distrait le mouvement de ses mains, avant de faire la moue. Aucun effort, vraiment ~

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant