Chapitre 25 ⋅ Les étincelles

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— Sae-chan, est-ce que t'as la moindre idée de l'heure qu'il est ?

Le voix traînante et teintée de taquinerie d'Oikawa résonna dans la petite chambre tokyoïte comme une mélodie salvatrice. D'ordinaire horripilante, elle avait cette fois une chaleur rassurante pour les oreilles fatiguées de Fusae, qui sentit son cœur pétiller de soulagement. Même le ton presque moralisateur qu'il employa ne parvint pas à l'attrister. Elle se pelotonna un peu plus dans son lit, dans le refuge cotonneux de ses draps, puis ferma les yeux. C'était ce dont elle avait besoin, une voix familière qui la rattache à son quotidien. Et aussi insupportable fût-il, son voisin en faisait partie intégrante désormais.

— Désolée, je... je voulais pas te réveiller...

Le rire discret du volleyeur l'interrompit, agaçant comme toujours et pourtant terriblement suave après la soirée qu'elle venait de passer. Ses doigts se crispèrent sur sa taie d'oreiller tandis qu'il reprenait la parole avec plus de légèreté :

— C'est bon, je regardais une rediff de match, donc tu me réveilles pas vraiment.

— Ah... soupira-t-elle, pas sûre de savoir quoi répondre. Tant mieux alors...

— Mais que me vaut cet appel, petite voisine ? T'as encore besoin de cours de volley ?

Le timbre narquois de sa voix lui courut sur la peau sous la forme d'un frisson, et de nouveau, cette chaleur aussi troublante que familière désormais crépita au creux de sa poitrine. Elle sentit la commissure de ses lèvres se retrousser imperceptiblement, mais renifla pour lui faire part de son incrédulité.

— Non non, je suis pas près d'en refaire... La semaine dernière m'a suffi.

— Je crois que pour ton bien et celui du volley, c'est la meilleure décision que tu pouvais prendre, Sae-chan.

Cette fois, un rire nerveux franchit les lèvres de l'adolescente, discret comme le vent, puis elle roula sur le côté. L'espace de quelques secondes, son regard se perdit sur la porte de la chambre, où un filet de lumière filtrait par les interstices. Elle retint son souffle, effrayée à l'idée que son père ou sa belle-mère puisse l'entendre parler, alors même qu'elle les avait abandonnés pour aller supposément dormir. Puis l'angoisse disparut quand la voix d'Oikawa retentit à nouveau contre son oreille :

— T'es chez ton père là ?

C'était à peine perceptible, mais sa voix s'était faite plus tempérée sur ces mots, moins mordante – comme s'il venait de comprendre la raison de son vague à l'âme. Le silence tourbillonna un instant dans la chambre, lourd de sentiments enfouis et ineffables pour la plupart. Puis, même si son voisin ne pouvait pas la voir, Fusae hocha la tête et croassa un « oui » à peine audible, et des plus pitoyables.

— Vu que tu m'as appelé, j'te fais pas l'affront de demander si ça se passe bien du coup, dit-il dans un petit rire presque désolé.

— En vrai... murmura-t-elle plus sérieusement, une fois son rire vite tari. Ça pourrait être pire...

— Mais ça pourrait aussi être mieux, c'est ça ?

Un soupir quitta presque instantanément les lèvres de l'artiste, comme il avait sans mal deviné le fond de ses pensées. Elle se sentit un peu flageolante à l'idée qu'il la connaisse déjà si bien après quelques semaines seulement, mais préféra ne pas s'en formaliser avant d'être prise au piège.

— Ouais... acquiesça-t-elle à mi-voix. Enfin, c'est rien, j'ai pas trop envie de parler de ça maintenant...

— Alors de quoi tu veux me parler, petite voisine ? roucoula Oikawa, et son timbre suave se faufila agréablement jusqu'à ses tympans.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant