Chapitre 23 · Pour un bol de ramen

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Fusae ne bougeait pas. Le coup de sifflet final avait retenti depuis quelques minutes déjà, mais elle demeurait immobile. Pliée en deux, les mains sur ses genoux, elle tentait de reprendre son souffle. Ses bras et ses jambes l'élançaient, et elle avait la gorge en feu, or étonnamment, ce n'était pas ce qui faisait le plus mal. En rouge sur fond blanc, les chiffres étaient criards sur le panneau des scores, et d'autant plus dans son esprit malmené par les deux sets que son équipe avait lamentablement perdus. Les efforts d'Oikawa et les siens avaient été vains ; la classe 2-6 avait perdu son quatrième match en ce début d'après-midi.

— On s'est déchirées, hein ?

C'était la voix d'une de ses coéquipières de ce jour, qu'elle identifiait comme la déléguée de classe et capitaine de leur bien piètre équipe. Elle venait d'apparaître à ses côtés, ainsi que d'autres filles de sa classe qu'elle connaissait plus ou moins. D'un regard circulaire, l'artiste put constater avec fascination qu'elles étaient toutes presque aussi essoufflées qu'elle, les joues rouges et les cheveux en bataille, mais surtout un large sourire aux lèvres.

— Tu m'étonnes ! s'exclama une autre. On a quand même réussi à leur prendre seize points !

— Bon, surtout grâce à des fautes de la 2-1, mais c'est pas mal pour une équipe de débutantes, non ?

Leur joie si débordante qu'elle en était contagieuse encouragea Fusae à se redresser et les rejoindre à pas comptés, où elle se vit offrir une bouteille d'eau qu'elle accepta bien volontiers. Un rire incrédule pétilla sur ses lèvres quand elle se demanda comment elle annoncerait ça à son cher voisin, toutefois tout disparu lorsque l'euphorie du moment l'engloutit tout entière. La défaite importait peu, au final.

— En route, les filles ! s'exclama leur capitaine. Faut qu'on libère le gymnase pour les première année, et qu'on aille encourager les filles de la classe pour la course de relais !

Une approbation enthousiaste lui répondit, puis les lycéennes se hâtèrent de rassembler leurs affaires pour sortir du bâtiment, tandis que les équipes du match d'après prenaient déjà possession du terrain. En suivant un peu distraitement ses camarades de classe, sur le chemin de la piste d'athlétisme, Fusae profita qu'elles discutaient toutes entres elles sans lui prêter attention pour sortir son téléphone portable. Elle y trouva, entre quelques messages de Yuna et de sa sœur, une notification Instagram qui l'intrigua plus que le reste, puisqu'elle provenait d'Oikawa Tooru. Alors même qu'elle cherchait comment lui annoncer sa défaite, la jeune fille fronça les sourcils, interdite. Son voisin s'était abonné à son compte. Comment l'avait-il trouvé ?

Mue par la curiosité, l'artiste hésita quelques secondes avant de s'abonner en retour et ouvrit machinalement le profil du volleyeur, qui se trouva être tel qu'on pouvait s'y attendre. Des centaines de followers, évidemment, et des tas de selfies sous lesquels pleuvaient les likes et les commentaires. Il était populaire, oui, mais combien de ces gens le connaissaient vraiment ? En ouvrant le dernier selfie en date, l'adolescente ne put qu'admirer la pose mignonne et pourtant débordante de confiance que son voisin prenait, l'index et le majeur levés dans un « V » de la victoire. Derrière lui, des visages plus ou moins familiers, dont celui d'Iwaizumi et d'autres de son équipe. Au vu de l'air agacé que prenait son ami d'enfance, Oikawa était à quelques secondes d'une mandale ou d'une remarque acerbe, au choix.

— Fusae-chan ! la héla sa camarade, l'arrachant à sa contemplation du volleyeur. Viens, on a trouvé des bonnes places pour la course !

Dans un hochement de tête, la lycéenne s'empressa d'abandonner son portable pour rejoindre ses compères sur un banc, au bord de la piste d'athlétisme. Elle s'y laissa tomber, puis guetta Yuna d'un œil alerte. Sa meilleure amie devait courir d'ici peu pour leur classe, et elle lui avait bien fait comprendre que si elle ne venait pas l'encourager, Fusae pouvait d'ores et déjà demander un prêt pour payer toutes les pâtisseries de Sendai en compensation. Et étant donné la vigueur avec laquelle elle le lui avait dit, cette dernière se demandait si ce n'était pas son but initial.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant