Tout était vaporeux. Les lumières ondoyaient devant ses yeux et dans son esprit. Des échos des sons alentours lui vrillaient le crâne, assourdissants entre les pulsations rapprochées de son cœur, dont elle avait l'impression de percevoir chaque battement. Le moindre geste esquissé, même incertain, réveillait vertiges et nausées. Même se redresser sur son séant lui donna l'impression qu'elle allait rendre son déjeuner. Fusae vacilla. Il lui sembla que le feu s'intensifiait dans ses genoux, son avant-bras droit et sa joue. Comment était-il possible de se faire aussi mal en tombant ? Est-ce que ça allait laisser des cicatrices ? Et pourquoi la seule image qu'elle avait à l'esprit à ce moment-là était le visage de son voisin ?
L'adolescente réprima un gémissement plaintif entre deux halètements. La première fois qu'il la remarquait, elle se ramassait la gamelle de sa vie. Non seulement elle morflait, mais en plus, elle se tapait une honte intergalactique.
— Tout va bien ?
Une voix masculine inconnue. La lycéenne leva la tête vers la source de cette voix, mais dut fermer les yeux quelques secondes, étourdie par ce simple geste. Lorsque tout se stabilisa, un visage aussi familier qu'étranger se dessina dans son champ de vision : c'était l'ami d'Oikawa, Iwaizumi Hajime à en croire les kanjis brodés sur sa veste de survêtement, et il la regardait soucieusement. Que lui avait-il demandé déjà ? Les mots qu'il avait prononcés se perdaient dans sa douleur. Ses doigts effleurèrent son poignet, si frais par rapport aux flammes qui lui dévoraient le bras.
— Accroche-toi, l'entendit-elle murmurer, tandis que son autre main glissait prudemment sur sa taille pour la remettre sur pied.
— M-mon chien... articula-t-elle avec difficulté.
— T'inquiète pas, il est juste là avec mon pote. Je sais pas lequel des deux surveille l'autre, par contre...
Sa vue se troublait par intermittence, mais elle parvint à suivre son regard en direction d'une scène tout à fait surréaliste. Un peu plus loin, la silhouette élancée d'Oikawa Tooru se détachait fièrement du paysage, devant une Kabu aux aguets. Cette dernière était docilement assise devant lui et contemplait avec convoitise ce que le volleyeur avait dans les mains, tandis que lui levait les bras pour maintenir la balle hors de son atteinte. Ses jolis yeux, plissés par la suspicion, ne se détachaient pas du chien, qu'il avait à l'œil comme s'il pouvait exploser à tout moment.
Fusae le vit tourner le regarder vers elle pile au moment où la douleur se réveillait dans sa joue et elle baissa la tête en grimaçant. Même si l'ami d'Oikawa la soutenait, l'adolescente sentait ses jambes flageoler. Chacun de ses pas résonnait dans tout son corps et accentuait ses crampes d'estomac. Lorsqu'elle remarqua que son secouriste l'avait guidée jusqu'à un banc public, elle s'y laissa tomber sans plus attendre.
— Reste là, lui intima Iwaizumi avant de se relever. Oï, Shittykawa, file ta bouteille d'eau !
Son cri la fit presque sursauter et, dans un geste prudent, elle se tourna en même temps que lui vers l'interpellé, qui ne bougea pas d'un iota. Il continuait de contempler Kabu avec méfiance.
— Il veut bouffer mon ballon, Iwa-chan.
Il avait lâché ça sur le ton de la protestation, une protestation presque enfantine, sans détacher le regard de la chienne. Un soupir agacé s'échappa de son interlocuteur, qui se redressa de toute sa hauteur.
— On s'en fout, vociféra-t-il. J'ai fini ma gourde alors ramène-toi avec la tienne, cette fille est blessée.
Le silence lui répondit tout d'abord, écrasant, tandis que l'étrange duel de regard se poursuivait. Puis contre toute attente, les épaules d'Oikawa tressaillirent. Un tressaillement nerveux, irrépressible. La commissure de ses lèvres frémit le temps d'un sourire, et il daigna enfin tourner la tête vers eux, une lueur malicieuse dans le regard.
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La Fenêtre d'en face |HQ!!|
FanfictionFusae, lycéenne introvertie, est passionnée par le dessin. Chaque soir, elle dessine à son insu des portraits d'Oikawa Tooru, un inconnu au charme irrésistible qui habite dans l'immeuble en face du sien. Rien ne les destine à se croiser, jusqu'au so...