Chapitre 9 · Velléité

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Il fallut à Fusae la nuit et la journée du lendemain pour se remettre de sa rencontre avec Oikawa. Entre les insomnies au clair de lune et les interminables heures de cours, la jeune fille eut tout le déplaisir de ressasser encore et encore leur discussion, dévorée par le doute. Elle avait beau tenter de prendre du recul, se dire qu'il y avait bien plus grave dans la vie, que le monde ne s'arrêterait pas de tourner pour ses misères... Rien n'y faisait. Le volleyeur était reparti avec ses révélations, la conviction qu'elle le trouvait à tomber, mais aussi et surtout son carnet à dessins.

Ce dernier détail la préoccupait d'autant plus, contre toute attente. Elle qui avait naïvement espéré que son voisin lui aurait rendu son carnet à l'issue de leur conversation, elle avait été vite déçue. Même si elle ne se serait pas risquée à le dessiner à nouveau, à son grand désarroi, l'adolescente aurait bien aimé le garder, ne serait-ce que pour tous les portraits qu'il contenait. C'était les œuvres dont elle était le plus fière, après tout. Elle poussa un soupir à fendre l'âme.

— Continue de soupirer et j'installe une éolienne devant toi pour rentabiliser l'air que tu expires.

— La ferme, Yuna.

Sa meilleure amie gloussa sans discrétion, avant de reprendre cette activité fastidieuse que constituait le limage de ses ongles. D'ailleurs, c'était étonnant qu'on l'ait autorisée à entrer dans le lycée avec une lime à ongle, maladroite comme elle était. Fusae tourna la tête vers sa camarade de classe.

— J'ai envie de mourir, se lamenta-t-elle, une moue fatiguée sur les lèvres. En plus on a maths, après...

— Comme toutes les semaines, c'est le principe de l'emploi du temps.

— Un peu de considération, c'est trop demander ?

Face à l'absence de réponse, la noiraude leva un regard blasé vers sa meilleure amie, se redressant sur un coude avec nonchalance. Yuna lui accorda un bref regard malicieux du coin de l'œil, avant de recentrer toute son attention sur ses mains, qu'elle posa finalement à plat sur la table.

— Écoute, reprit-elle. Je comprends que tu sois dégoûtée par ce qui est arrivé avec ton voisin, mais jusque là t'avais pas besoin de ça pour détester les maths.

— C'est pas ça le problème... lâcha la première.

— Alors c'est quoi ?

Un discret soupir échappa à Fusae. Si elle avait tout raconté à sa meilleure amie dès le matin, il restait des détails qu'elle avait délibérément omis. Notamment celui-là, persuadée que ça ne l'affecterait pas autant. Toutefois, plus les heures passaient, plus ce problème tanguait dans son esprit pour ne plus jamais en sortir.

— Il a pris mon carnet en partant, avoua-t-elle dans un souffle.

— Sérieux ?

Son exclamation fit tourner quelques têtes dans leur direction, mais Yuna n'en eut cure. Et à vrai dire, Fusae aussi. La première abandonna sa lime à ongle dans la trousse sur sa table et se tourna pour de bon vers la dernière.

— Attends, pourquoi tu me l'as pas dit ce matin ?

— J'ai oublié, gémit-elle dans une grimace. Et puis, je sais pas, je pensais que c'était pas grave.

— C'est ton carnet, Fusae.

— Oui, mais c'est son visage qui apparaît au moins trente fois dedans.

L'espace d'un instant, Yuna pinça les lèvres, pensive. Puis un soupir quitta ses narines et, de dépit, elle se laissa tomber contre le dossier de sa chaise.

La Fenêtre d'en face |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant