14. Ashelia

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En l'absence de Lothar, Lamenn prenait les commandes. Elle devenait le chef d'orchestre du territoire et tout le monde, absolument tout le monde, savait qu'on ne rigolait pas Lamenn. Elle donnait les ordres et il ne serait venu à l'idée de personne de contredire ces directives, quand bien même elle n'avait pas l'autorité ni le charisme de notre Roi. Ici, elle faisait la pluie et le beau temps et croyez-moi, mieux valait obéir. Parce que Lamenn pouvait se montrer terrible. Lothar n'avait pas arrêté son choix sur elle pour rien. Cette femme savait lui tenir tête et pour ça, elle forçait le respect.

Assise dans la fourmilière administrative de notre territoire, je ne cessai de frotter mes paupières.

La douleur était revenue. Lancinante, derrière mes yeux. Elle fourmillait et faisait poindre un début de mal de crâne. Depuis la veille, pas moyen de m'en débarrasser. Cette fois, pas le résultat d'une quelconque source de magie dans le coin.

La fatigue ?

— Le Kaizer a été équivoque sur le sujet ; vous ne quittez pas le territoire hormis pour absolue nécessité.

À mes côtés, Rasler ricana. Faire chier Thatcher s'avérait être une nécessité. Alors, bon.

Papa Aslander pouvait bien dire ce qu'il voulait, nous ne l'écoutions toujours que d'une oreille. Lothar donnait les ordres, pas Aslander. Nous flirtions avec un crime de lèse-majesté, mais qu'importe. L'Empereur savait à qui notre loyauté allait, que ça plaise ou non.

Archer, qui passait parfois par-là, se trouvait avec nous aujourd'hui. Il lança un drôle de regard à Rasler avant de sourire. Lui aussi aimait bien aller titiller certains lycans du côté de chez Thatcher, juste pour rigoler un peu. Il traînait avec Takashi, mais comme notre petit papillon était chez Blair depuis plus d'un an, il vadrouillait tout seul à la demande de Lothar. Fils de Krig, il en avait dans la caboche et savait se battre. Il nous venait du Queensland, État sous la juridiction d'Hedda.

Une nouvelle poussée derrière mes yeux. Je grognai, incapable de supporter la lumière.

— Ashe ?

Un verrou sautait dans mon esprit à chaque fois que j'invoquai le nom de la Koning. Je tenais alors un bracelet entre mes doigts, sans comprendre. Et puis l'image se délitait, comme un souvenir trop lointain pour être maintenu en place un trop long moment.

Lorsqu'un lycan commençait à perdre la tête, la forme de sa folie différait.

Brûler vive des femmes.

Tuer des innocents.

Ou voir des choses qui n'avaient pas lieu d'être.

J'en avais parlé à Erzes avant de quitter le Deity. D'après elle, rien ne clochait avec ma lycan, mais l'esprit restait une entité à part et donc dur de savoir.

Je trainais ça, sans comprendre. J'avais peur de me perdre. Peur de devenir mon ennemie et donc celle de mon Roi. Mais ma lycan ne semblait pas perdre la boule.

Moi, alors ?

Les doigts de Rasler enserrèrent mon épaule et il me ramena dans la pièce. Les regards des uns et des autres me sondaient, inexpressifs. Lamenn pencha la tête sur le côté.

— C'est le moment de te reposer, dit-elle. Prend l'absence de Lothar comme occasion pour lever le pied.

Hors de question.

Je me relevai et serrai des dents.

— J'irais chez Ivy-Rose dans la soirée.

Lamenn hocha la tête. Elle nous utilisait à sa façon lors des déplacements de notre Roi. J'espérai juste qu'il ne tarderait pas à rentrer. Parce que s'il lui arrivait quoi que ce soit aux États-Unis, Ras et moi ne pourrions rien y faire. Et cette idée me rendait malade.

WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant