21. Ashelia

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Mes genoux heurtèrent un sol fait de pierres et de roches. Un cri mourut d'entre mes lèvres et mes paumes s'écorchèrent. Je déglutis et relevai la tête vers le jeune garçon qui se tenait devant moi, de dos.

Cartaphilus.

Mais aussi Evekelis, jumeau de notre Empereur, à jamais contraint de montrer la même apparence ; celle d'un garçon, même pas un homme.

Vortigern ? Je l'ignorai. Je toussai et réussis à me redresser.

La magie qui courrait ici était étouffante. Mes yeux se mirent à pulser. Ils me démangèrent. Ça recommençait.

Et je savais ce que ça signifiait.

J'aurais dû le savoir. Ma mère Seeker, je portais ça en moi. D'une manière endormie, mais j'étais tout de même à moitié Seeker.

Cartaphilus marmonna quelque chose et des ombres apparurent. Des Terras. Au mont Satori.

Ainsi que Kairos. Il ne me jeta pas même un coup d'œil, s'avança jusqu'à une table de pierre où reposait un homme.

Un Roi. Endormi depuis des siècles.

De là où je me trouvais, Arthur paraissait paisible. Inchangé. Mes yeux dérivèrent sur Yvain, non loin de lui, inchangé lui aussi.

Bon sang.

Bon sang.

Nous étions en plein cœur du Fief de Warren et Marcellus, gardien du Tombeau, ne semblait pas donner l'alerte. Pourquoi ?

Je vis la raison, sur ma gauche.

Evy.

Elle tenait Excalibur.

La lycan concernée. Evy voulait retrouver Nokomis plus que tout. Pas compliqué de la motiver dans cette entreprise.

Quelle putain de...

— J'ai douté de ce plan un million de fois, gronda Cartaphilus. J'ai douté pouvoir rassembler les objets sans avoir à tuer chaque Koning. Mais le plus compliqué restait de mettre la main sur les jumeaux ainsi que sur Excalibur. Je peux entrer au Deity, mais là où la magie verrouille, je suis contraint.

Bouche asséchée, j'observai les mouvements de Kairos, son intérêt pour le Roi Endormi.

— Et puis j'ai appris ton existence, petite ombre.

Il se tourna vers moi et ses yeux me firent froid dans le dos. Un violet, un où le noir mangeait tout le blanc.

Et je sus. Qu'il s'agissait de cette autre Entité. Vortigern. Il leva un doigt en l'air, sourire aux lèvres.

— Après tout, la condition de Merlin était l'existence d'un seul, d'un unique Seeker. Ton existence est un cadeau pour nous, Ashelia.

C'était lui qui avait fait de moi une marionnette.

C'était lui qui m'avait ôté ma loyauté et mon honneur.

Lui, lui, lui.

— Il me suffisait de me glisser dans ta tête et dès le premier essai, tu as été à la hauteur de mes attentes.

Il claqua des doigts et la coupe apparut entre nous, en lévitation.

— L'un après l'autre, tu as été si efficace, si incroyablement talentueuse.

Chaque objet apparut. Mais il manquait la chevalière. Alors à quoi bon ?

— Toi aussi tu te demandes pourquoi nous sommes ici s'il en manque un ? Parce que ça n'a jamais été la chevalière. Et je l'ai compris peut-être un peu... tardivement.

Pas... la chevalière ?

Alors quoi ?

Le regard de Vortigern glissa sur mon corps pour s'arrêter sur ma cheville. Là où se trouvait le bracelet de Lothar. Son cadeau le plus précieux.

— En te contrôlant, j'avais accès à tes souvenirs, à ta vie. Alors j'ai finalement compris.

Il fit un geste du doigt et le bracelet se détacha de ma cheville pour rejoindre les autres.

— Sept objets pour enfermer. Un pour briser la Prison et un Seeker pour réveiller le peuple Endormi. Encore une fois, Merlin a pensé à tout.

Il rit, mais ce fut un rire sans joie, sans émotion. Ses yeux me donnaient froid dans le dos.

— Ta dévotion et ton amour pour ton Lothar m'ont rappelé sa loyauté pour Arthur. Elle aurait dû empêcher que la Prison ne soit rouverte. Et ce, à jamais. Tout ça, douce ombre, c'est sa faute.

Sa magie s'enroula autour de moi et mes pieds décolèrent du sol. Je ne luttai pas. Lorsque je me retrouvai presque tout contre lui, il caressa ma joue.

— C'est grâce à toi si j'ai réussi et laisse-moi te remercier pour ça. Laisse-moi te rendre grâce.

La magie s'estompa et je tombai. Son poing se referma dans mes cheveux et il me traîna derrière lui. Je ne bronchai pas.

Ma trahison me cisaillait à l'intérieur.

J'étais responsable.

Kairos s'écarta de son passage, sans me regarder. Il se fichait bien de tout ça. Il était tout près d'atteindre son but, lui aussi.

Si près...

Vortigern me balança sur Arthur. Son corps semblait de roc. J'observai son visage, me rappelait sa voix, sa douceur, sa gentillesse.

Son sacrifice.

La magie de Merlin était incroyable, car c'était le Sommeil d'Arthur qui gardait tous les Seekers emprisonnés.

Si la magie se brisait, alors...

Vortigern agrippa mon menton et approcha sa bouche de la mienne. Là, il souffla sur mes lèvres.

D'abord, je ne sentis rien. Juste la caresse de son haleine.

Et puis...

Je chancelai. Et hurlai, parce que j'avais l'impression que mes yeux allaient sortir de leurs orbites. L'impression que quelqu'un cherchait à me les arracher.

Mon hurlement fut terrible.

Et lorsque mes paupières s'ouvrirent, je sus.

Parce que je ne voyais plus, mais je ressentais.

La puissance. La vie. La magie.

J'étais Seeker.

Vortigern tenait Excalibur. Et son sourire voulait tout dire. Il fut devant moi.

Un souffle de magie balaya le Tombeau.

— ASHELIA !

Vortigern me souffla un merci.

Et m'embrocha avec Excalibur. 

WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant