20. Ashelia

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Je me souvenais.

Du moment où j'avais voulu prendre la chevalière. La retirer à Lothar. Je l'avais désiré si fort. Si fort. Impossible d'éloigner cette pensée, impossible de m'en détacher.

Un besoin viscéral.

Comme si ne pas prendre cette chevalière allait me tuer. M'anéantir.

Comme si ça avait été la chose la plus importante de toute ma vie. Prendre la chevalière à Lothar.

La lui retirer.

Pourquoi faire ?

Pourquoi faire ?

— Ce n'était pas elle.

— C'est moi qui me suis réveillé alors qu'elle tenait la chevalière dans sa main, Ras. Je sais ce que j'ai vu.

— Elle ne nous trahirait jamais. Elle ne te trahirait jamais.

Je réfléchissais à toute vitesse.

J'essayai de me rappeler les moments de flottement, les trous de mémoire. Quand est-ce que tout ça avait commencé au juste ?

Quand est-ce que j'avais commencé à me réveiller sans souvenir ?

Quand est-ce que la douleur derrière mes yeux avait débuté ?

— Ashe. Putain, Ashe.

La voix de Ras. Derrière les barreaux.

— Dis-nous. Dis-nous ce qui se passe.

Il doutait. De ma loyauté. Et moi aussi.

Je devais comprendre.

Je devais me souvenir.

Impossible. Trop de zones d'ombre. Trop d'absences. Mais je devais essayer. Comprendre ce qui se tramait dans mon dos, dans ma propre personne.

Hedda revenait souvent, mais ce n'était pas la première. Son objet, pas le premier dérobé.

Je caressai le bracelet à ma propre cheville. Cadeau de Lothar.

Mes premières absences.

Tout, tout me ramenait à Hedda. À sa chambre et son lit. Et moi, dans l'obscurité.

Je revis la pierre sur la couronne de Thatcher, alors même que je possédai la même, cachée dans ma chambre.

Les objets.

Les moments de vide.

Les objets.

Se pouvait-il...

Se pouvait-il que j'aie agi durant ces moments d'oubli ?

Ma lycan vibra en moi.

Et là, un souvenir éclata. Il prit toute la place dans ma tête et me coupa le souffle.

Je me revis. Devant un miroir. Je tenais une coupe. Mon reflet me sourit. Un sourire atroce. Et là, une forme dans mon dos.

Je remplis la coupe d'eau. Et je bus.

Avant de rire, rire, rire.

La coupe de Gann. Le premier objet volé.

Mes yeux s'écarquillèrent.

J'étais devenu le pantin de quelqu'un. Durant ces moments d'obscurité, quelqu'un m'avait utilisé pour que je vole les objets.

Cette simple idée me donna la nausée.

Non. Non.

— C'était le dernier qu'il me manquait.

Ma voix se répercuta dans le cachot et arrêta les deux hommes. Je n'osai regarder Lothar, alors je plongeai dans les yeux de Ras.

— Sans compter Excalibur, il ne me manquait que la chevalière.

La poigne de Lothar déforma les barreaux. Sa colère pulsait, elle pulsait si fort !

— Qu'est-ce que tu racontes ? souffla Ras.

— La coupe chez Gann. Le premier objet. Le bracelet d'Hedda. Je l'ai pris pendant qu'elle dormait.

Hedda. Hedda. Hedda. Mon premier moment de conscience durant ces instants perdus.

Je déglutis.

— Ensuite, chez Acelin, j'ai volé le fameux morceau de la Table Ronde. Subtiliser la pierre de Shiel a été facile, trop facile.

Tout me revenait. Les images défilaient, se reformaient, changeaient.

— Ç'a été plus dur chez Naata. Elle porte toujours la dague sur elle. Alors j'ai dû ruser.

Lothar palissait à vue de nez. Ras restait stoïque, sans sourciller.

— Et il y a peu, je me suis faufilée chez Thatcher pour lui prendre la pierre sur sa couronne. Un jeu d'enfant. Un jeu... d'enfant.

Et nous y étions.

La chevalière. Puis Excalibur.

— Pourquoi aurais-tu volé ces objets, Ashe ? gronda Ras. Tu n'en as aucune utilité.

— Ils servent à ouvrir la prison des Seekers, non ? dis-je, plein de bravades.

Laisser quelqu'un me contrôler revenait à faillir. Et à échouer.

J'avais trahi Rasler.

J'avais trahi Lothar.

Et tous les autres.

— Mon père veut que la Prima revienne et qu'ensemble, ils se vengent de vous tous.

Inclure Kairos là-dedans ne ferait que mettre Lothar en colère. Forcément qu'il était relié a tout ça, mais je jouai un jeu dangereux.

Marionnette, je ne valais plus rien.

Je ne méritais plus de me tenir aux côtés de mon Roi.

Plus jamais.

Je pouvais mourir. Maintenant.

— Il me fallait juste mettre la main sur la chevalière. Et le tour était joué.

— Tais-toi.

La voix de Lothar claqua dans l'air. Mauvaise, pernicieuse.

— Regarde-moi.

Son ordre me força à obéir. Et ma lycan pleura. Je regardai mon Roi.

Mon Anchor.

— Je t'ai trahi, mera raaja. J'ai vendu tous vos secrets. Jusqu'au dernier.

Lothar se releva. Il lâcha les barreaux. Un sourire mauvais dessina ses lèvres.

— Ah, meree raakh, tu n'as jamais su me mentir.

Et il fila, Ras sur les talons. 

WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant