WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]

8. Lothar

Cinq mois plus tard,

Je jouai avec le petit bout de papier où des chiffres s'enchaînaient. N'importe quel pisteur, chasseur ou traqueur auraient reconnu les chiffres. Suivis d'une lettre.

Des coordonnées.

Si quelqu'un venait à les trouver, je pouvais dire adieu à mon ombre.

Adieu à Ashelia.

Je refermai mon poing sur le papier avant de le déposer dans un cendrier et d'y mettre feu. Les mois passaient et se ressemblaient tous. Les jours devenaient de plus en plus longs, même si l'habitude prévalait sur la solitude.

Je grognai et sentis un flux de magie remonter le long de ma colonne. Je me trouvai actuellement au beau milieu de mon territoire, dans un vieux bar avec un verre de whisky. Personne n'aurait dû pouvoir me déranger.

Personne.

Mais il fallait toujours qu'elle vienne.

Encore et encore et encore.

— Tu n'as pas autre chose à faire ? Ce monde est vaste, Myrddin. Va voir si je me trouve... ailleurs. Loin de préférence.

Je me redressai quand je vis une main fine et blanche se refermer sur mon shot de whisky. Elle se l'enfila d'un coup. Elle ne grimaça pas cette andouille.

— Un autre, demanda-t-elle au vieux monsieur derrière le bar.

Il ressemblait à un aborigène, mais c'était sûrement dû à ses gènes et non à une quelconque appartenance de tribu.

Je détaillai un peu Myrddin au travers de mon brouillard émotionnel. Elle portait une longue robe noire, avec une ceinture bleue, ce qui cassait la ligne du vêtement, mais relevait bien sa taille fine, presque maigre. Elle ne reprenait que peu de poids, même après tout ce temps passé sous la coupe de Siobhane à manger plus qu'elle n'aurait dû.

Son visage restait émacié, mais ses yeux ressortaient plus que jamais dans tout cette blancheur presque immaculée de sa peau. Ses cheveux bruns étaient nattés aujourd'hui, bien plaqués contre son crâne. Elle ne portait que quelques bijoux, mais tous étaient bien distinctifs. Tous possédaient une histoire. Tous comme les miens.

— Voilà, grogna le barman quand il déposa deux verres et la bouteille à côté. Vous avez l'air d'en avoir besoin tous les deux.

Myrddin hocha la tête et nous servit deux verres. Je pris le mien et le cognai au sien. Elle grimaça.

— Toi ici, minaudai-je un peu saoul, quelle belle surprise. Tu devrais venir plus souvent.

— Tu ne devrais pas être au milieu de nulle part à cuver comme un soulard.

— Et tu ne devrais pas être au milieu de nulle part à suivre un soulard, surtout pas pour le pousser dans son vice.

Elle avala son whisky et s'en remplit un troisième. Nous restâmes silencieux plusieurs secondes. À son cinquième, Myrddin soupira.

— Tout est vain.

— Je te le confirme, grinçai-je.

— Tu aurais dû m'aider à chercher.

— J'ai autre chose à faire.

— C'est faux.

Je la fusillai du regard. Ma relation avec Myrddin relevait parfois de la fratrie. Quand l'un avait tort et voulait traîner l'autre dans son voyage, ça débattait éternellement pour savoir qui avait eu raison en premier lieu.