WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]

2. Ashelia

La blessure de Lothar se faisait particulièrement ressentir ce soir. Une tache sur son âme, comme un bleu qui passait par toutes les nuances avant de s'effacer. Mais le sien ne partait pas. Il demeurait, encre invisible et douloureuse. Et je ne pouvais rien faire, tout comme Rasler. Si ce dernier avait appris à l'accepter, j'avais tout de même plus de mal.

En tant que sa Grifter, je me devais de lui faciliter la vie sur bien des sujets épineux et des problèmes agaçants. Mais lorsqu'il s'agissait de vérités plus profondes, je me retrouvai les bras ballants, avec ce sentiment d'inutilité qui me cisaillait de l'intérieur.

Je connaissais mon Roi. Parce que j'étais son ombre et que je savais écouter son murmure.

J'étais sa cendre comme il m'appelait. Mais je ne savais pas me battre contre ses démons. Cette force, je ne la possédais pas et parfois, ça me hantait.

Comme cette fois où il était devenu Kaizer.

Comme cette fois où il avait failli mourir, en attestait l'immense cicatrice dans son dos. Rappel constant de notre échec, à Ras et moi.

Dans mon coin, j'observai le déroulé de la soirée, assise en tailleur, regardant la joie et la bonne humeur.

Nous étions nombreux, bien plus qu'au début de cette lubie instaurée par Lothar. De plus en plus de Gardes venaient, toutes les Earhjas sortaient de leur aile et même quelques Chevaliers faisaient une rapide apparition.

Le Deity recelait des trésors de secrets. Si nombreux qu'ils auraient pu rendre fou.

Des Chevaliers de la Table Ronde foulaient encore cette Terre et demeuraient aux côtés d'Aslander. D'autres étaient restés en Angleterre, berceau de leur Roi. Ceux en Australie allaient et venaient dans le pays, sans que personne ne s'en rende compte. Certains, comme Galaad, passaient d'ailleurs plus de temps en dehors du Palais qu'en son sein, mais lui, on comprenait facilement pour quoi.

Je coulai une œillade en direction d'Ansara, une Earhja avec un bon potentiel, que je côtoyai de loin depuis son plus jeune âge du fait de l'implication de Lothar dans la vie des Guérisseuses du Royaume. Une jeune femme très douce et gentille, qui avait été rejetée publiquement par son Anchor quelques années plus tôt. On ne pouvait pas faire pire pour mettre quelqu'un plus bas que terre. Enfin, pour ce que j'en savais. Les Anchors faisaient partie, au même titre que les Divinités, de ce qui m'échappait. Pas que ça ne m'intéressait pas, mais j'aimais que mes soucis soient plus... terre à terre et donc maîtrisables. Je me devais d'avoir une emprise sur ma vie et sur celle de Lothar. De savoir que ce qui me faisait face pouvait être géré. Ainsi, je me sentais non pas en sécurité, mais pleinement capable d'appréhender les jours à venir et tout ce qui pourrait arriver à partir de là.

Un rire attira mon attention et je découvris Lothar effectuant quelques pas de danse avec l'Impératrice qui riait tout en se laissant entraîner par le Koning.

Il raflait toujours la mise. Et ce, sur bien des sujets. Aslander discutait avec quelques Earhjas un peu plus loin, guettant tout de même son vieil ami au cas où ce dernier en ferait trop, comme à son habitude. Mais cet éclat vif de l'expression de son bonheur ne me trompait pas. Le regard de Lothar demeurait sombre et tourné vers les souvenirs et non pas vers le présent. Ce qui me faisait dire que c'était une journée sans. De celle où le ciel aurait pu être gris et maussade.

— Si tu m'invites à danser, je te fais mal, grondai-je à l'attention d'Ambrose, s'approchant de moi, un verre à la main.

Sa moue aurait pu être adorable si seulement je lui avais prêté une once d'intérêt.

— Loin de moi cette idée, répliqua-t-il.

Et il me tendit le breuvage. Je reniflai ce dernier et plissai les yeux dans sa direction. Il portait une tenue plus décontractée, mais il n'en était pas moins alerte et vigilant. Ambrose pouvait se targuer d'être carnassier. L'Empereur avait eu le nez fin de porter son choix sur lui, malgré sa jeunesse. Je le savais redoutable et très fin stratège. Au moins ce qu'il fallait pour être nommé Capitaine de la Garde Royale.