— Si je gagne, c'est toi qui l'accompagnes à cette réunion, souffla Rasler, concentré, ne me jetant pas même un regard.
Je retins un grognement, sachant d'avance que je n'avais aucune chance face à lui. Ras se voulait bon joueur, un adversaire attentif, mais invincible.
Je détestai perdre contre lui, ça m'agaçait au-delà du possible et lui, il ne cherchait même pas à s'en vanter, préférant de loin rester humble. Mouais.
— Si tu étais un gentleman, tu me laisserais remporter cette manche.
Autant essayer de l'appâter avec mon joli sourire et mon battement de cils. Il plissa son nez, jetant un coup d'œil à son jeu et vint se gratter la mâchoire, recouverte d'une barbe brune – tirant sur le blond, bien fourni et bien taillé surtout.
Ras ne se voulait le parangon de rien du tout, mais il prenait un soin tout particulier de sa personne. D'après lui, nous devions être attentifs à notre image, surtout en considérant notre Roi.
— Tu es capable de te tenir dans la même pièce que l'Empereur, Ashe.
Je fis la moue. Je n'expliquai pas mes ressentis vis-à-vis d'Aslander Valendyr, mais ils existaient bel et bien. Ce qui, aux yeux des hommes de l'Empereur, faisait de moi une garce dangereuse. Ça ne me dérangeait pas qu'on parle de moi dans mon dos ; ma personne comptait peu comparer à celle de Lothar. J'étais son ombre, tout comme Rasler. Ce qui nous touchait, nous, ne revêtait aucune forme d'importance. Nous devions être inébranlables. Nous étions deux quand l'Empereur comptait sur ses Neuf. Nous étions tout aussi compétents, n'en déplaise aux plus rageux.
— Ça, c'est toi qui le dis, rétorquai-je. Tu as autre chose de prévu ?
Cette fois, il coula une œillade dans ma direction et ses yeux d'un marron terreux rencontrèrent les miens. Rasler ne possédait pas un visage facile, ni même très avenant. Si on s'en référait aux canons de beauté de cette époque, il n'aurait même pas eu sa place en fin de fil.
Des pommettes acérées, un nez presque enfoncé, une cicatrice barrait sa bouche, donnant cette impression qu'il grimaçait quand il souriait. Il était doté d'un grand front et d'une mâchoire volontaire. Il nouait souvent ses longs cheveux en un chignon lâche, pour qu'il ne soit pas dérangé ou agacé. Moi, à sa place, j'aurais tout coupé, mais il semblait tenir à sa tignasse. En général, il finissait par craquer et avant une longue mission, il me demandait de lui arranger tout ça. Je maniai le ciseau aussi bien que mes lames. Donc il n'était pas trop frileux. Nous n'étions pas juste bons à tuer ensemble, loin de là. Ras et moi, nous suivions Lothar depuis des siècles, deux ombres n'en formant plus qu'une seule.
— Peut-être, répondit-il, un sourire énigmatique étirant ses lèvres marquées.
— Ça compte si j'attends derrière la porte ?
Il haussa un sourcil, un peu moqueur dans sa manière de me fixer.
Lorsqu'il dévoila son jeu, je fus forcée d'admettre que je n'avais eu aucune chance, et ce, dès le départ. J'étais donc bonne pour me farcir la réunion de la journée, qui traînerait en longueur, me poussant aux portes du sommeil.
Je me demandais comment des hommes tels que Lothar et Aslander parvenaient à ne faire que parler pendant des heures et des heures. Rien ne pouvait être dit simplement.
Ras ramassa nos jeux et se redressa.
Nous nous trouvions dans un couloir où très peu de monde passait. Nous y étions donc au calme et au frais. Aucun Sevae pour venir traîner dans nos pattes. Dans le coin, ils pullulaient. Ce que je comprenais au vu de la taille du Deity. En revanche, il y avait ce drôle d'enfant qui n'en était pas un qui se tenait plus loin, curieux et définitivement flippant. Il s'agissait d'un être qui n'était ni une créature, ni un lycan, ni autre chose.
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WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]
Werewolf- THE WHISPER OF MY SHADOW - Dans son ombre, le danger. Depuis le retour de l'Enchanteur, Lothar se retrouve contraint de voyager à travers l'Australie pour calmer les inquiétudes de Merlin. Mais pendant ce temps, les Terras n'attendent pas et des...