WHISPERS T2 The Whisper of my shadow [Terminée]

16.1 Ashelia

Et tout s'estompa.

Les yeux vides de Laeini s'effacèrent et je ressentis de nouveau la chaleur infernale du désert. Pas de vent. Pas un pet de brise. Rien. Juste cette lourdeur dans l'air, cette inertie. Le sable sous ma joue incendiait mon épiderme.

Je crevais de soif.

Je crevais d'envie de voir Lothar. Et de sentir le cœur de Rasler sous mon oreille.

Ses doigts reposaient sur mon flanc. Il ne bougeait plus depuis des heures.

Pas mort.

Ma langue gonflée me colla au palais et je ne réussis pas à déglutir. Des vagues dansaient au-dessus du sable.

Quelqu'un chercha à me donner de l'eau, mais je ne réussis pas à avaler. Quelqu'un voulut me déplacer, mais ma lycan hurla à la mort à travers ma gorge humaine.

Pas toucher.

Pas prendre.

Laisser. Laisser.

Ma lycan pleura. Elle couina. Personne ne chercha plus à nous bouger. Mais on nous mouilla. On essuya le sang. Je voulus demander si Rasler vivait, pour en être sûre, mais j'étais incapable du moindre mouvement.

Ma peau me démangeait.

La douleur se voulait un étau étouffant. Et le soleil, doucement, m'immolait. J'ouvrais les yeux par intermittence.

Je luttai par moment. Pour rester consciente. Pour ne pas perdre le fil. J'essayai de me rappeler la conversation avec Ras et Archer.

J'essayai de compter le nombre de jours depuis le départ de Takashi. Ceux depuis le départ de Lothar.

Était-il rentré maintenant ?

Allait-il venir à nous ?

Lothar. Lothar. Lothar.

Ma lycan pleurait. Elle couinait. Elle appelait son Anchor. Dans un ultime effort pour rester éveillée.

Lothar. Lothar. Lothar.

J'attendais qu'il arrive. Que sa voix résonne.

Meree raakh.

Mais à chaque fois, je perdais le fil.

Et je sombrai dans un gouffre de souvenirs et de cauchemars.

De désir et de secret. Par millier.

« Les rideaux claquaient à cause de la brise. Toutes les flammes des bougies s'étaient éteintes sous le coup d'une bourrasque.

Hedda se trouvait dans son lit, comme prostrée. Elle respirait, mais en cet instant, elle n'avait plus rien d'une Koning.

Dort, dort, douce Hedda.

Mon mouvement fut rapide. Contrôlé, maitrisé. Et je me retrouvai avec son bracelet entre les doigts. Et à l'instant même, un autre apparut autour de la cheville de la Reine. Il étincela un instant et puis plus rien. »

— Ras. Ras. Ras.

Je l'appelais. Parce que je devais l'entendre. Personne ne me répondit et je pleurais. Parce que j'avais peur.

Peur que Lothar n'arrive trop tard. Peur qu'il se retrouve tout seul.

Mais au moins, il avait retrouvé Rivqa. N'est-ce pas ?

— Ras. S'il te plaît. S'il te...

« Elle se trouvait sur le trône, pâle copie de celui de notre Empereur. La pierre étincelait. Je la voulais. Je la voulais si fort...

Alors je m'avançai, sans rien craindre. Je saisis la couronne et la tournai entre mes doigts. Si légère. Trop belle pour aller sur la tête d'un idiot pareil. La pulpe de mon pouce caressa la pierre. Et j'y vis un reflet. Celui de deux yeux violets. »

Une pression sur ma hanche.

Je pleurais. De soulagement, de douleur, de terreur.

Lothar. Lothar.

Mera raaja.

— Ashe. Ashe.

La voix de Ras me troua le cœur. Nous étions pathétiques.

Indignes de notre Roi.

Indignes de sa confiance et de son amour.

Mais ça nous rappelait que nous étions mortels. Et que nous pouvions mourir.

« — Huit. Huit. Huit. Une prison. Un Seeker. Huit. »

Mes bras me faisaient souffrir. Je ne sentais plus ma jambe gauche. Poids mort.

Ras murmurait. Il n'arrêtait pas.

Combien de jours depuis le départ de Takashi ?

Combien de jours depuis le départ de Lothar ?

Où es-tu, mera raaja ?

Cœur.

Cœur.

Anchor.

Mes paupières se soulevèrent et ma lycan tira de toutes ses forces sur ce qui nous restait d'énergie. Alors je me levai.

Je me relevai, sans savoir comment.

Sans encore comprendre pourquoi. Une fillette passa devant moi, sa poupée dans les mains, une sandale en moins et la robe déchirée. Elle courut jusqu'à l'entrée du camp. Elle courut se jeter dans les bras de Takashi.

« — Huit. Une prison. Un Seeker. Excalibur. Huit. »

Takashi se dédoubla pour devenir deux. Je clignai des yeux.

Trop chaud.

Trop dur.

Ma bouche s'ouvrit.

Soif. Si... soif.

Pas deux Takashi. Acelin.

Je chancelai une dernière fois.

Avant. Arrière.

Mera raaja.

Je tombai en avant et la poussière se souleva à l'arrivée de dizaine et de dizaine de lycans.

Presque à temps, petit papillon.