Chap 20 : Comment élaborer un plan ?

2.4K 224 5
                                    

A la vue de la ligne d'arrivée, j'eus un élan d'énergie et j'accélérais la cadence. Je n'avais plus qu'une seule idée en tête. Finir enfin ce satané entrainement qui faisait crier mes articulations de douleurs à chaque pas. Quand, Déesse, mon corps allait-il finalement prendre le pli de ce nouveau mode de vie que j'avais dû adopter malgré moi ? Etais-je vraiment partie de si loin ? Certes en temps normal quand j'avais besoin de fuir quelque chose je me contentais juste d'attraper un flocon de cristal et de l'écraser en marmonnant en grec ancien, mais quand même ! Avant je devais slalomer vers la boite où je les gardais précieusement sans me faire attraper par mes poursuivants. Et étrangement elle se trouvait toujours à l'autre bout de là où j'étais. Ça comptait comme exercice physique régulier, non ? Si on y réfléchissait bien c'était tout de même une sorte de course d'obstacle après tout. A l'instant même où je franchis la ligne d'arrivée, je me pliais en deux pour cracher mes poumons. Ma gorge me brulait et mes yeux me piquaient, c'était à peine si je ne voyais pas flou. Je n'étais pas surprise pourtant, depuis ce matin, mon corps ne faisait que m'envoyer des signaux de détresse. Il était tout bonnement épuiser par ce que je lui avais fait subir ces deux dernières semaines. Il faut dire qu'entre les auras des autres surnaturels et les hématomes que m'avaient filé les tueurs je ne l'avais pas particulièrement choyer ces temps-ci. Néanmoins, je n'avais pas vraiment le choix non plus. Si je voulais m'améliorer rapidement je ne pouvais pas me permettre le luxe d'écouter mon corps et de me reposer toutes les 5 minutes.

Ma mystérieuse rencontre de lundi soir me revint une fois de plus en mémoire. J'ignorais pourquoi, mais cet événement me hantait littéralement. Mon cerveau ne cessait de revenir à lui. Il buggait sur quelque chose et je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce que c'était. Cette situation me rendait complétement folle. De fait, j'avais passé les deux jours qui s'étaient écoulés à réfléchir à ce que j'allais faire et là, à ce moment précis, je savais. J'avais finalement fait mon choix. Au début j'avais pensé à aller voir maman pour la mettre au courant, en prétextant un oubli dans son bureau si je me faisais surprendre. Mais après réflexion, j'en avais conclu que c'était tout simplement trop dangereux. En plus, je n'étais même pas sûre que ce que j'ai surpris cette nuit-là soit vraiment important. A tout les coups mon instinct me jouait une énième blague. Non, avant tout il fallait que je me renseigne. Et ce, en toute discrétion bien sûre. Et pour ça, je savais déjà comment j'allais me débrouiller. J'entendis un bruit derrière moi. Je relevais le visage et aperçut une métamorphe à quelques mètres de moi qui courait dans ma direction. Quand elle arriva à ma hauteur, elle ralentit et se mit à trottiner sur place à côté de moi.

- A quoi ça va te servir de courir vite si c'est pour décéder quelques mètres plus loin par manque d'endurance. Hein ?

Je l'étudiais du regard. Elle était grande et mince. Et chaque fois qu'elle faisait un petit saut elle retombait sur son autre pied avec une délicatesse plus que saisissante. Une chose était sûre, je n'avais jamais croisé cette panthère-garou à la peau bronzée depuis mon arrivée ici. Je n'aurai jamais pu oublier la masse de cheveux qu'elle avait, bien que ça lui allait divinement.

- Prend ton temps quand tu cours, me conseilla-t-elle. Si De Belloy t'a demandé de faire autant de tours ce n'est surement pas pour que tu travailles ta rapidité Tueuse.

Je retins un frémissement. C'était étrange de se faire appeler comme ça. D'habitude on me traitait plus de « salope de sorcière ». Et pour cause, c'était une insulte particulièrement à la mode en ce moment chez les chasseurs de prime. « Tueuse », le mot retentit une deuxième fois silencieusement dans ma tête. Je ne savais pas si c'était en raison de la différence d'appellation, mais je me sentis soudain très mal à l'aise. J'avais plus que jamais l'impression d'être une menteuse, une usurpatrice.

- Je m'appelle Artémis, m'exclamais-je clairement malgré ma gorge sèche suite à ces 15 tours de pistes.

- Je sais très bien comment tu t'appelles mademoiselle. C'est que tu ne passes pas inaperçu au cas où tu ne serais pas au courant.

Bon au moins j'étais fixée maintenant, ce n'était pas un simple tour de mon imagination. J'étais belle et bien devenu la bête curieuse de Saint Maxime malgré moi.

- Est-ce que vous vous connaissez vraiment tous entre vous ? Même entre races ? demandais-je désireuse de comprendre ce que j'avais pu faire pour autant attirer l'attention de tous les étudiants de l'école sur moi alors même que j'avais tout essayé pour faire le contraire.

- Non pas du tout, mais t'es une nouvelle initiée. Ça c'est rare. Et tu sais, ici, les potins ça va vite.

C'était vrai que de nos jours, les différentes communautés surnaturels prenaient un très grand soin à recenser tous leurs membres afin d'éviter d'avoir un déferlement de nouveaux initiés. Et pour cause, c'était justement ce qui s'était passé lors de la grande guerre suite à tous les orphelins qu'il y avait eu et à tous les tueurs qui étaient nés sans connaitre leur parent surnaturel. Et cela avait bien faillit mettre en péril le secret de notre existence à nous tous. Résultat il était obligatoire pour les référents des différentes communautés de recenser chaque naissance surnaturelle et de prendre l'enfant sous son aile s'il arrivait quelque chose à ses parents. A ce titre j'étais d'ailleurs une véritable initiée puisque je n'apparaissais pas dans le registre des sorcières pour une raison évidente.

- Et puis disons que tu détonnes pas mal du paysage avec ta couleur de cheveux, reprit-elle. C'est naturel ?

Je passais la main dans mes cheveux.

- Oui.

- C'est joli.

C'était la première fois de ma vie qu'on complimentait la couleur si particulière de ma chevelure. Personnellement je l'avais toujours détesté. Et pour cause, j'avais l'impression qu'elle était un rappel systématique que je ne serais jamais comme ma mère. Que je ne serais jamais une aussi grande sorcière qu'elle. Que je ne serais jamais à la hauteur de mes ancêtres. Très vite, petite, je m'étais posée des questions, des tonnes de questions. En effet, dans tous les ouvrages qui parlaient de la Sixième Famille, on nous décrivait toujours par notre crinière ténébreuse, d'un noir plus profond que celui de la nuit la plus sombre de l'année. Certains disaient même qu'elle était la marque de la mission que nous avait confier la Déesse. Celle de veiller sur le monde, mais surtout de maintenir l'équilibre des forces qui le composait. Car après tout, la lumière ne pouvait pas exister sans l'obscurité. Et il ne pouvait pas avoir de jour s'il n'y avait pas de nuit. Ces forces étaient et sont toujours en combattant permanent et parfois certains d'entre eux arrivent à prendre l'ascendant. C'est à ce moment-là que nous, les six familles héritières, nous devons d'intervenir au nom de la Déesse d'après les textes anciens. Bref, la Première Famille se caractérisait par sa chevelure d'or, la Sixième par sa chevelure ténébreuse et, moi, j'avais les cheveux blancs. Et à cet égard j'avais toujours eu l'impression d'être le vilain petit canard de notre branche familiale. Comme un signe annonciateur que j'éteindrai de manière définitive ma lignée. Néanmoins, elle, cette panthère-garou, elle aimait ce blanc délavé. En tout cas, elle paraissait sincère.

- Merci, répondis-je honnêtement à ma plus grande surprise.

- T'as l'air intelligente mais un peu suicidaire aussi, reprit-elle d'un ton amical qui était en contradiction complète avec la dureté de ses paroles, alors je vais te donner un autre conseil. Respecte scrupuleuse les notions de territoires et fais-toi la plus discrète possible si t'as vraiment décidé de faire cavalier seule. Une fois qu'ils t'ont en ligne de mire, ils ne te lâchent plus.

Dire que c'était déjà ce que j'essayais de faire... Je ne voyais pas comment je pouvais me rendre encore plus transparente que ce que je faisais déjà. Et malgré ça, ils me connaissaient visiblement tous et avaient tous compris qu'entre moi et mes camarades tueurs ce n'était pas l'amour fou. Franchement ce n'était pas très motivant.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant