Chap 10 : Comment atterrir à l'infirmerie ?

2.5K 241 4
                                    

Quand je descendis de l'arène, un silence de mort régnait dans le gymnase. Les regards des tueurs étaient toujours braqués sur moi, mais il n'y avait plus aucune trace de joie ou de dénigrement. Non. Maintenant ils me regardaient tous froidement comme s'ils avaient compris qui j'étais vraiment et qu'ils se préparés à me sauter dessus d'une seconde à l'autre. Je m'empêchais de déglutir dans le but vain de cacher mon malaise même si je savais qu'il était palpable par tous. Je n'aurais jamais dû faire ça. Je n'aurai jamais dû réattaquer et prendre le dessus sur Angeline. Je le savais. Surtout que son geste n'avait rien de personnel. Elle l'avait fait par nécessité, sa petite tirade ne venant qu'attester ce dont je me doutais déjà. Et pour cause, elle était intelligente. Elle savait que si elle ne le faisait pas elle-même, d'autres se seraient chargés de me mettre en garde. Et d'une manière beaucoup plus violente. D'un certain côté, elle m'avait donc fait une fleur. Surtout en se servant du prétexte du cours de combat rapproché pour informer tous les élèves que j'avais eus mon rappel à l'ordre en bonne et due forme. Je comprenais mieux maintenant pourquoi Angeline était continuellement encerclée par les tueurs, pourquoi elle était comme qui dirait leur leader. Elle avait un esprit politique. Et même à notre âge c'était essentiel. Surtout chez les êtres surnaturels. Malgré tout cela, ça avait pourtant été plus fort que moi. J'avais riposté et maintenant j'allais devoir en assumer les conséquences. Je me rapprochais de monsieur De Belloy comme tous les combattants des combats auparavant pour entendre ses remarques, mais il ne dit rien non plus. Il me fixa comme tous les autres pendant un long moment qui me sembla durer une éternité puis il se mit à griffonner quelque chose sur son calepin énergiquement. De mon côté, ma tête m'élançait et ma main palpitait de douleur. Pour autant, je me sentais avant tout lessivée comme si je n'étais plus qu'une coquille vide. Et c'est ce que j'étais à ce moment-là, je le savais. A chaque fois que je combattais je me mettais toujours dans cet état de détachement de mon corps. Je n'avais plus besoin que d'une chose à cet instant-là, c'était dormir.

D'un geste, De Belloy arracha la feuille où il était en train d'écrire me provoquant ainsi un sursaut. Mon corps était toujours sur ses gardes comme ma magie qui menaçait de sortir à chaque petit bruit. J'avais beau faire de mon mieux et essayais de me rassurer je n'arrivais pas à calmer mon corps et à lui faire comprendre que tout danger était écarté. Après avoir méticuleusement pliée la feuille où il venait d'écrire quelques mots, il me la tendit. Je la saisis sans vraiment comprendre.

- Donne là à l'infirmière. Elle va te remettre sur pied. Et vient dans mon bureau ce soir après le diner pour qu'on puisse débriefer sur le combat.

J'hochais la tête et partis sans demander mon reste. Aller loin d'ici, c'était tout ce que je voulais. Le regard droit devant moi je déambulais par conséquent dans les couloirs sans ralentir, le bruit sourd de mon mal de tête résonnant dans chaque partie de mon être. J'avais mal partout. Cependant, paradoxalement, c'était la première fois que je me sentais aussi bien à Saint Maxime. Parce que j'étais seule. Enfin seule. Personne ne me jugeait du regard de loin, personne ne criait à côté de moi ou encore ne chuchotait sous mon passage. Non. Tout le monde était en classe et j'avais enfin la paix. L'idée que techniquement parlant je ne savais pas où était l'infirmerie me traversa l'esprit, mais je n'eus pas le courage de faire marche arrière. Et puis je ne voulais pas entendre le compte rendu d'Angeline. Je n'en avais pas besoin. Je savais déjà ce que Donovan De Belloy allait lui dire : « un peu trop sûre de toi au début, mais la fin était pas mal. Par contre, quand tu casses un poignet ne prend pas autant ton temps. Un autre surnaturel aurait pu profiter de ces quelques secondes pour renverser la situation. Pareil pour les blablas. Combat suivant on enchaine ». En tout cas, c'est ce que moi je lui aurais dit. Et c'est aussi ce que j'aurais fait si le combat avait été juste.

J'entrai sans hésitation dans la pièce qui, d'après ma mémoire, était l'infirmerie. Alors même que je finissais d'ouvrir la porte mon attention fut attirée par l'aura d'une sorcière accoudée à la fenêtre. A mon entrée elle se retourna vers moi et esquissa une grimace qui manqua de faire tomber la cigarette qu'elle avait dans la bouche. Je ne devais vraiment pas être très belle à voir si même une sorcière avait une telle réaction à ma vue. La sorcière expira une dernière bouffée de fumée puis s'approcha de son bureau et écrasa sa cigarette dans un cendrier avant de l'y déposer. C'était étrange comme elle semblait à la fois complètement correspondre à l'archétype de la sorcière et en même temps lui être diamétralement opposé.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant