Au mot « maison » de nombreux endroits m'étaient venu à l'esprit. La maison dans la préfecture d'Osaka au Japon, où nous avions vécu pendant 4 ans sans incidents. La maison de Shrewsbury en Angleterre qui nous servait de point de rendez-vous si nous étions séparés l'une de l'autre. La villa à Valence, en Espagne, que nous habitions quand maman avait besoin d'une pause ou même le manoir abandonné à Andros, en Grèce, qui nous servait de façade quand nous devions préparer et mener à bien nos petits projets illégaux à distance.
Pourtant, j'avais bien vite compris qu'elle ne faisait référence à aucun de ses endroits. Et pour cause, ma mère avait prononcé le mot « maison » avec une profondeur dont je ne la croyais jusqu'alors pas capable et qui ne pouvait correspondre à aucun de ses lieux, qui ne représentaient à ses yeux que des planques semblables les unes aux autres. Etant donné notre situation, rester au même endroit trop longtemps avait toujours été dangereux, et bien que cela fasse déjà plus d'une vingtaine d'année que maman était recherchée, les chasseurs de primes ne cessaient de se succéder. Passer inaperçu était ainsi de tout temps compliqué et éreintant. Sans compter les contraintes importantes que cela supposait.
Bref, nous n'avions donc jamais vraiment eu de maison. En tout cas, moi, d'aussi loin que je me souvienne, je n'avais jamais vraiment eu de maison à proprement parler.
Toutefois, en voyant ma mère si désarçonnée ce jour-là, j'avais tout de suite compris que j'étais bien la seule. Je devais me rendre à l'évidence. Elle, elle avait une « maison ». Aussi fou que cela puisse me paraître, elle qui passait son temps à m'emmener avec elle d'un bout à l'autre de la planète, à disparaître pendant des semaines sans donner de nouvelles, elle avait un chez elle. Un chez elle que je ne connaissais pas et dont elle n'avait jamais fait mention auparavant. A vrai dire, ça ne m'étonnait pas plus que ça, elle avait le don de toujours me surprendre. Non, ce qui m'ébranla ce jour-là, c'était cet excès d'affection qu'elle m'avait dévoilée inconsciemment pour cet endroit, et ce léger sentiment de joie et d'appréhension qu'avait fait remonter ses souvenirs qui y étaient liés et qu'elle avait laissé transparaitre dans l'étrange expression qu'elle avait eu à ce moment-là.
Suite à ça, très vite, je m'étais imaginé une maison délabrée où elle aurait passé son enfance, ou même une petite cave dans un immeuble lambda d'une grande ville où elle aurait rangé certaines affaires précieuses à ses yeux. J'étais ouverte à toutes les possibilités. Enfin, je le croyais. Jusqu'à ce qu'elle crache le morceau, quelques jours plus tard, me bouleversant à mon tour.
J'ignorais beaucoup de choses sur ma mère, j'en étais parfaitement consciente. Elle n'avait jamais été du genre à se confier et notre relation était, il est vrai, assez limité. Pourtant, j'étais sûre d'une chose, c'était que cet énorme château à moitié décrépis, datant du 15ème siècle et qui avait abrité bon nombre de gens de la bonne société au cours du temps, selon les informations que j'avais trouvées sur internet, était loin d'être sa maison. C'était tout bonnement impossible.
Alors que j'étudiais de loin l'immense édifice grisonnant, en essayant de comprendre comment j'étais arrivée là, la grande porte en fer s'ouvrit laissant en sortir une silhouette svelte et raffinée qui me salua au loin d'un geste de la main. Miss Amélia, devinai-je. Je me rapprochai sans lâcher du regard cette mystérieuse inconnue qui n'en était pas totalement une puisque, sur les ordres de ma mère, je m'étais renseignée autant que je le pouvais sur elle ces derniers jours.
Elle était encore plus belle que ce que ses peintures sur internet ne le laissaient paraître. Avec sa peau laiteuse, ses yeux en amande, ses cheveux brun foncé et sa bouche en cœur, Miss Amélia avait bien tout de la poupée en porcelaine que décrivaient les journaux surnaturels. Sauf que des canines bien pointues apparaissaient quand elle se fâchait et qu'en une pichenette, elle pouvait envoyer un homme de plus de 150 kilos voltiger sur facilement 500 mètres. Et oui, Miss Amélia était une vampire et entre autres la directrice de l'école que je m'apprêtais à rejoindre et qui s'étendait devant moi, Saint Maxime.
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Surnaturelle, tome 1: SAVOIR
ParanormalAussi loin que je m'en rappelle, ma mère n'a jamais cessé d'être recherchée par notre communauté, me contraignant ainsi à fuir inlassablement avec elle d'un bout à l'autre de la planète. Car croyez-moi, on ne se débarrasse pas si facilement des sorc...