Chap 43 : Comment cacher ses faiblesses ?

2K 208 19
                                    

Expire. Inspire. Expire. Inspire. A chaque pas que je faisais, je sentais l'air glacé glisser le long de ma gorge pour remonter ensuite par le même chemin. La sensation était loin d'être des plus agréables. Au contraire, j'avais l'impression de n'avoir jamais eu la gorge aussi sèche. Comme si on m'enfonçait un couteau le long de la trachée en prenant un malin plaisir à racler les bords. Néanmoins je commençais à en avoir l'habitude maintenant. Il faut dire, cela faisait plus d'un mois que je m'imposais ces tours de pistes tous les matins. Mes jambes avaient appris à tenir plus longtemps et à courir plus vite. Et surtout pour la première fois Donovan De Belloy n'était pas rester penché à sa fenêtre un café dans les mains à me regarder. Non, cette fois il avait pris la peine de descendre et de me tenir compagnie dans le froid glacial de cette matinée légèrement pluvieuse. Assis sur un des bancs des tables de pique-nique autour de la piste de course, il me regardait faire mes tours sans rien dire. Pour ma part j'entamais tout juste mon avant-dernier tour. Les joues en feu, je le regardais s'amuser à faire de la buée avec son souffle. Si lui qui ne bougeait pas en faisait autant qu'est ce que ça allait être pour moi ? Je ressemblerais sûrement à une locomotive dans quelques minutes. La piste tourna à droite et je la suivis sans un regard de plus vers Donovan qui disparut de nouveau de mon champ de vision.

Je finis mon tour et trottina encore sur quelques mètres avant de m'arrêter totalement. Par réflexe je me dirigeais vers ma bouteille d'eau posée à terre derrière la ligne d'arrivée et bu quelques gorgées. Ça faisait tellement de bien. Même si ma gorge me brulait toujours autant au moins je n'avais plus l'impression que j'allais m'étouffer en raison de sa sécheresse. C'était comme si je revivais un peu. Derrière moi un bruissement de feuille vint rompre le silence et le doux chant des oiseaux. Je me retournais. Durant ces deux semaines de vacances, Donovan De Belloy n'avait pas changé d'un pouce. Toujours les mêmes cicatrices et surtout le même regard ténébreux. De loin, je le vis s'extirpait de sous la table de pique-nique et aller s'asseoir sur le banc d'en face. Les coudes appuyés sur la table en bois derrière lui, il me regarda et me fit un léger signe du menton vers la place à côté de lui. Après une dernière gorgée, je vins le rejoindre à petit pas. La première chose que je remarquais quand je posai mes fesses à côté de lui se fut son odeur. Une odeur de pins et de sapins, étrangement très convivial. Je me demandais comme Donovan De Belloy faisait pour paraitre si contradictoire, si froid et à la fois si chaleureux.

- Tu as bien progressé depuis ton arrivé ici. Je dois le reconnaitre, avoua-t-il le regard toujours perdu droit devant lui.

- Je préfère attendre le prochain combat avec Angeline avant de m'avancer.

Qui sait ? Avec un peu de chance, contrairement à moi, elle ne s'était pas entrainée depuis la fin des cours et je pourrais ainsi en profiter lors de nos retrouvailles pour venger mes nombreux nez cassés. Autant dire que nos combats ne m'avaient pas manqué mais j'avais un honneur à restaurer. Fallait bien que je lui rende la pareil et que je lui refasse le portrait à elle aussi.

- Je suis désolé. Pour notre dernière discussion. Ça ne me regardait pas.

Je soupirai. Je ne voulais pas parler de ce sujet. Pas maintenant alors que mes cauchemars avaient enfin cessé. Pour autant, je crois qu'une partie de moi était heureuse qu'il ne fasse pas comme si notre dernière discussion n'avait pas eu lieu.

- Vous pensez que je peux gagner ? tentais-je pour changer de sujet.

Il sourit et détourna le regard pour venir le poser sur moi. A cet instant précis, j'oubliais tout ce qui était autour de moi. Le froid, les fines gouttelettes de pluie qui tombaient sur ma peau et transpercer mes vêtements et même le chant des oiseaux. Il n'y avait que son regard étrangement bienveillant. Et pour une raison que j'ignorais s'il m'avait posé la question je lui aurais tout déballé sur ma véritable vie. Parce que je savais qu'il me comprendrait. Qu'enfin une personne me comprendrait.

- Si tu le veux vraiment oui. Tu dois juste arrêter de te retenir.

- Me retenir ? répétais-je.

- Ne fais pas semblant devant moi Artémis. Je sais très bien que tu es beaucoup plus intelligente que tu ne le laisses paraitre.

Il détourna de nouveau le regard et j'en profitais pour respirer à nouveau. Comment arrivait-il à faire pour me mettre aussi à l'aise et mal-à-l'aise en même temps. Soit c'était un pro pour retourner le cerveau soit Donovan De Belloy était un paradoxe à lui tout seul ? Je buvais une nouvelle gorgée.

- Ils ne sont pas capables d'endurer, rétorquais-je après avoir essuyé du revers de la main les petites gouttes d'eau autour de ma bouche.

- Si tu ne leur apprends pas à le faire il n'y a pas de raison pour que ça change. Pour être un bon tueur, il faut connaitre la douleur qu'on afflige. Elle tu la connais déjà suffisamment bien. Faut que tu passes de l'autre côté si tu veux continuer à progresser.

Il avait raison. J'étais trop gentille avec mes partenaires. Mais ce n'était que des étudiants. Ils ne savaient rien de la vraie souffrance. Ça se voyait à leur simple façon de se battre. Il n'allait jamais plus loin qu'un bras déboité et qu'un nez cassé. Et même quand c'était le cas il avait toujours un moment d'hésitation. Ils se battaient un poil plus violemment que des gamins mais le meurtre était encore bien loin. Je comprenais maintenant le mouvement traditionnaliste et leurs attentats. Les sorcières perdaient en puissance et en valeur, les tueurs devenaient la police des bacs à sables et les loups et les métamorphes se transformaient de plus en plus seulement par nécessitée. Et en même temps, c'était une bonne chose, non ? Ça montrait que notre monde avait évolué et que nous ne vivions plus dans une société aussi cruelle et sans merci qu'avant. Enfin, pour certains d'entre nous.

- Ça se voit autant ? Ce que vous m'avez dit la dernière fois, précisais-je.

- C'est si grave que ça que ça se voit ?

Oui. Parce que montrer ses faiblesses, c'était indiquer à l'ennemis où frapper pour que ça fasse mal.

- Regarde.

Donovan attrapa son pull et le souleva à la hauteur de son torse, juste au-dessus de son téton gauche, laissant apparaitre un curieux tatouage. Je fronçai les sourcils et sans réfléchir je vins poser mes doigts sur le dessin.

- C'est un verrou magique, m'expliqua-t-il. Une sorte de sortilège très ancien. Grâce à lui, aucune magie ne peut être utilisé sur mon corps. Pas de contrôle de l'esprit, pas de malédiction et pas de possession de mon corps possible. Que ça soit pour me faire du mal ou pour me guérir, mon corps ne laisse passer aucune magie.

- Pourquoi ?

- Pour me protéger d'une faiblesse.

- Vous avez changé une faiblesse contre une autre, ce n'est pas ce que j'appelle se protéger, dis-je en enlevant mes doigts de son torse.

- Toutes les faiblesses ne se valent pas Artémis. Le tout est de les accepter et d'en faire des forces.


Coucou les gens !

Je sais pas si vous avez remarqué mais en ce moment mes chapitres sont beaucoup plus longs. Je voulais donc savoir si vous vous en étiez aperçu, si ça vous dérangé et si vous les lisiez en entier ou si parfois vous sautiez quelques passages de description (vous inquiétez pas je le prendrai pas mal, promis 😉). Je profite aussi de ce moment pour prévenir que l'histoire arrive petit à petit à la fin. Mais vous inquiétez pas un tome 2 est prévue 😁. Merci encore de me lire ! et prenez soin de vous en cette période compliqué.

Bisou !

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant