Chap 56 : Comment avouer qu'on est une sorcière ?

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La tête baissée, je n'osais même pas affronter le regard des filles que je sentais posé sur moi. J'avais trop peur de déceler en elle ce que je décelais à chaque fois qu'une personne comprenait qui j'étais et me regardait. Du mépris, de l'hostilité et surtout du dégout. Parce que oui, j'étais sa fille. J'étais la fille d'une sorcière qui avait trahit les siens et tuer des centaines de victimes innocentes. Je connaissais l'histoire par cœur. Ou plutôt ce qu'on reprochait à ma mère, car malgré mes demandes insistantes, elle ne m'avait jamais raconté pourquoi elle était la surnaturelle la plus recherchée du monde. L'ennemi public numéro 1. Mais quoique ce soit, je savais une chose. C'est que c'était suffisamment important pour justifier du fait que je n'aurai jamais dû naitre. Je connaissais la chanson, j'étais un outrage à la Déesse. De par ma naissance mais aussi de par mon sexe. Car en tant que fille, j'avais permis à la sixième famille de perdurer une génération de plus.

- Tu es une sorcière ? résonna la voix de Jane.

Je soupirais, essayant de me donner du courage puis relevais la tête vers cette dernière. C'était plus facile de commencer par elle. Je ne lui avais encore jamais adressé la parole. Donc certes, elle faisait partie des gens à qui j'avais menti mais ce n'était pas de la même manière que pour Casey et Victoria. Elles, je les avais trompés ouvertement. Quasiment les yeux dans les yeux pour Casey.

- Heu... Oui, confessais-je.

- Tu es la fille d'Elena Wilde ? dit à son tour Victoria.

- En effet.

Je n'avais jamais vu Victoria aussi impassible. Son regard ne trahissait rien.

- Tu m'as mentis.

Le constat de Casey était sans appel mais je ne pouvais pas le nier. Elle avait raison. Je lui avais mentis et c'était la stricte vérité. Qu'importe comment je tournais ça. Toutes les fois où je l'avais regardé dans les yeux à la bibliothèque tandis que je lisais des livres en grec ancien, toutes les fois où je m'étais plainte de mon incompétence en tant que tueuse, toutes les fois que j'étais venu la voir avec mes cicatrices... Toutes ces fois-là, je lui avais menti. Et pourquoi ? Pour pouvoir rester auprès d'elle en vérité. Je n'avais cessé au long de ces dernières semaines de me voiler la face alors même que je savais avec certitude que même si elle savait, jamais elle ne me dénoncerait.

- C'est vrai. Mais... Je n'avais pas le choix, lui répondis-je.

- On a toujours le choix.

Casey se sentais profondément trahis. J'avais fait du mal à une des seules personnes dans le monde qui se préoccupait de moi. Une des seules personnes qui m'appréciait et s'inquiétait pour moi. Comment avais-je pu lui faire ça ? Ça c'était bien loin d'être de l'amitié. Et le pire dans tout ça, c'est qu'en vérité je l'avais toujours su. Je savais qu'à un moment elle saurait pour moi. Dire que je pensais m'y être préparer, j'avais été bien naïve.

- Oui mais ça demande de prendre des risques. Et je n'ai pas le luxe de le faire Casey, dis-je sans arriver à masquer les sentiments qui se déchainaient en moi. En plus, si je te l'avais dit je t'aurais indéniablement mis en danger. Je sais très bien que tu n'aurais jamais rien dit mais imagine qu'Evanora te lance un sort de vérité. On aurait pu t'accuser de complicité. Je n'avais pas le droit de te mettre en danger en t'embarquant dans mes histoires. Sachez qu'à part ma mère, vous êtes les 3 seules personnes au monde à connaitre mon existence maintenant, me sentis-je obliger d'ajouter face au silence gênant qui s'était installé.

Casey me regardait toujours fixement mais elle n'abordait plus un air aussi trahi que tout à l'heure même si je savais qu'elle était toujours en colère et qu'elle m'en voulait encore énormément. J'ignorais quelle décision elle allait prendre mais dans tous les cas je l'acceptais. Après tout, à sa place, je savais que j'aurais complétement coupé les ponts avec moi.

- Tout le reste, reprit-elle au bout d'un moment. Tout ce que tu m'as raconté sur ta famille adoptive, sur tes voyages, tes anecdotes et même les commentaires que tu m'as faits. C'était vraie ? Tu les pensais sincèrement ?

- Tout a toujours été vrai. La seule chose qui était fausse c'est que je ne connaissais pas mes parents. Enfin que je ne connaissais pas ma mère.

- Ecoutez c'est normal que vous soyez choqué, nous coupa Jane, mais on ne choisit pas ces parents et en plus pour le coup elle n'a pas hésité une seconde à griller sa couverture pour nous protéger donc dans l'immédiat je pense qu'on peut largement lui faire confiance. Là, la seule chose qui importe vraiment c'est de sortir d'ici le plus rapidement possible.

Pile à ce moment, une secousse se produisit et le sol à nos pieds se mit à trembler. Je concentrais de suite ma magie au cas où le sol s'effondrait. Nous étions toujours au premier étage. Je lançais à la suite un regard au plafond. Visiblement c'était toute la structure de l'établissement qui semblait se fragiliser. Quelques secondes plus tard, tout revint à la normale mais nous étions toutes de nouveau consciente de la gravité probable de notre situation.

- Casey, Jane a raison, déclara Victoria. On reparlera de cette histoire plus tard. On doit retrouver les autres.

- Non. Pas besoin d'en reparler plus tard, dit cette dernière avant de se retourner de nouveau vers moi. Je m'en fiche de savoir que ta mère est la mégère qui s'acharne sur moi tous les mardi aprèm. Juste je ne veux plus que tu me caches quoi que ce soit, je te préviens !

- Je te le jure.

Casey tapota sa jupe faisant tomber la poussière qui était tombé dessus suite au mini tremblement puis s'avança dans ma direction. Visiblement le fait que je sois l'héritière de la sixième famille ne lui faisait ni chaud ni froid à elle et même aux filles. Et pour ça, je leur en étais infiniment reconnaissante. Reconnaissante de ne pas me traiter comme un monstre.

- Tu sais de quoi parlait Mary Barlow avant de se volatiliser ? me demanda Casey alors qu'on descendait prudemment les escaliers du grand hall, Jane aux aguets devant.

- Non.

D'ailleurs j'avais toujours du mal à me dire que je n'avais pas rêvé ce que Mary Barlow m'avait dit. C'était une chose de croire que je pouvais l'être mais le dire relever d'une toute autre dimension. Car se tromper, c'était un blasphème à notre Déesse. Or Mary Barlow était une sorcière très croyante, je ne comprenais pas comment elle avait pu prendre un tel risque. Surtout pour moi. Je ne pouvais pas être la prochaine reine. Non, c'était inimaginable. Je ne connaissais pas notre société. Et puis si j'avais pu être une potentielle candidate maman me l'aurait dit. Non ? Elle m'aurait préparé, elle aurait tout fait pour me pousser à devenir une grande sorcière. Merde. Plus j'y réfléchissais plus l'idée que c'était impossible s'éloignait.

- Artémis est vraiment la prochaine reine des sorcières ? demanda Victoria derrière moi.

- Je l'ignore. En vérité, on n'est jamais sûre avant la cérémonie de la révélation. Mais on a souvent des doutes sur certaines sorcières en fonction de la puissance de leur magie par rapport à leur génération. Pour le cas d'Artémis, dit-elle en s'attardant sur mon prénom, je ne connais pas l'enchantement que Mary Barlow lui a lancé mais en tant qu'héritière de la sixième famille c'est sûr qu'elle doit être un peu plus puissante que la moyenne.

Surnaturelle, tome 1: SAVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant