Soyons d'accord

6 | Une présence féminine

Allez Sarah, il faut y aller ! C'est aussi pour cela que tu es venue !

Exact !

Compartimentant mes émotions dans un coin, j'attrape mon courage à deux mains, entrant d'une foulée décidée dans le baraquement sanitaire pour aller me présenter à mes nouveaux collègues. Ils sont justement tous présents, en pleine réunion autour d'une grande table placée au milieu d'une salle aussi spartiate que mal éclairée servant vraisemblablement de bureau ainsi que de pièce à tout faire. Le silence se faisant immédiatement, dites-vous que c'est beaucoup de paires d'yeux qui m'épinglent en même temps.

Heureusement que je ne suis guère du genre impressionnable !

Jacob tenait à ce que mon menton soit toujours levé, s'assurant que j'apprenne à le faire en toutes circonstances. « Encaisse ! Avance ! Tête haute Sarah ! » répétait-il inlassablement lorsque des difficultés se dressaient en travers de mon chemin. Ayant acquis cette habitude grâce à lui, ce n'est pas aujourd'hui que je vais flancher.

Je veux que tu sois fier de moi pour toujours.

— Bonjour messieurs, je suis Sarah, la sage-femme envoyée par l'ENN, lancé-je d'un ton assuré, m'arrêtant près d'eux.

Le plus âgé des hommes présents brise immédiatement le silence, me souriant chaleureusement.

— Bienvenue Sarah, nous vous attendions car avons bien besoin de vous ! Prenez un siège je vous prie. Je suis le docteur Andrews, superviseur de l'équipe et ses actions.

J'obtempère, me saisissant d'une chaise vacante, puis après un bref tour de présentation il me réexplique ma mission des prochaines semaines. De par mon métier, la mienne est plus spécifique que la leur. Je suis essentiellement ici pour promouvoir l'allaitement, assurant le suivi des mères afin de limiter la mortalité des nourrissons, liée tout particulièrement à la difficulté d'approvisionnement en eau potable dans cette région régulièrement agitée par les combats armés. Bien sûr j'aurai aussi à charge de m'assurer du bon déroulement des naissances dans le camp de réfugiés à proximité, venant prêter main forte à la sage-femme en poste ainsi que dans les villages aux alentours, dans un rayon d'une centaine de kilomètres. Pendant que je l'écoute, attentive, me sentant totalement sûre de mon choix, je prends la pleine mesure de l'importance du travail que je vais être amenée à fournir.

Tu serais vraiment content, Jacob.

Étant la seule consultante en lactation certifiée du secteur – évidemment – je me dois aussi de prendre le temps de former au maximum les autres professionnels présents, sensibilisant la communauté aux meilleures pratiques dans le but d'assurer au mieux la bonne santé de leurs bébés et des mères.

***

À la fin de la réunion, le docteur Louis – médecin généraliste – se charge de me faire visiter la partie professionnelle de nos locaux et me présente la petite réserve où est rangé le matériel à notre disposition. Observant les étagères, il ne me faut que quelques secondes pour en faire l'inventaire.

Dire que des gens sont mécontents des soins qu'ils reçoivent en Europe... Un stage ici leur ferait le plus grand bien !

— Comme vous pouvez le constater, aucune technologie très pointue ici. Il faut parfois être inventif.

Je te crois ! Toutefois cela me convient.

— Ma mission principale ne nécessite presque rien de toute façon et l'ENN m'a promis une livraison dans les prochains jours, réponds-je dans un bref haussement d'épaules indifférent. Néanmoins, j'ai besoin de savoir lequel d'entre vous solliciter en cas de frein de langue. Le docteur Abbot, j'imagine ?