Syrie.
Base militaire proche d'Alep.
Jour deux.
***
À cinq heures cinquante-cinq, j'enfile un débardeur par-dessus ma brassière de sport ainsi qu'un short léger. Sacha m'ayant proposé que nous nous retrouvions pour un footing à six heures, je la retrouve dehors après avoir lacé mes baskets. Elle m'emmène sur un terrain vague faisant à peu près la taille d'un terrain de football. C'est probablement à cela qu'il sert – d'ailleurs – vu les bidons disposés de part et d'autre.
— Ce n'est rien d'exceptionnel, je le reconnais, concède-t-elle.
— Ça fera très bien l'affaire, rétorqué-je, haussant les épaules avec indifférence.
Elle sourit, puis c'est en silence que nous commençons à trottiner ensemble. Sa foulée est magnifique et après trente minutes d'une course tranquille, elle me fait signe alors je m'arrête.
— J'ai trop faim. Tu viens à la douche ?
— Je te retrouve plus tard, je vais continuer encore un peu, refusé-je, secouant la tête.
— Ça marche, à plus tard ! conclut-elle en s'éloignant.
Le jour étant en train de se lever, la lumière m'entourant est magnifique même s'il est évident que la chaleur va bientôt devenir insupportable. Je repars, accélérant la cadence par habitude, m'efforçant de maintenir le vide dans mon esprit agité. Quelques instants plus tard j'entends que quelqu'un arrive derrière moi, remarquant du coin de l'œil qu'il se place à mon niveau.
Non mais sérieux ?! Tiens-tu aussi à gâcher mon jogging ? C'est pour te fuir que je vais demander un rapatriement, James !
Je me range du côté de l'hypocrisie, feignant d'ignorer sa présence, continuant sans modifier ma foulée. Il y calque la sienne pendant quelques minutes, augmentant la cadence progressivement, un petit sourire arrogant au coin de ses lèvres.
Crois-tu me mettre dans le vent ? J'ai fait la course avec ton ami Jacob pendant des années ! Va te faire foutre putain ! Espèce de connard ! Figure-toi que je sais tenir sur mes jambes !
Piquée à vif dans les profondeurs de mon amour-propre, je demeure à ses côtés alors qu'il accélère davantage.
Tu n'as aucune idée de comme je me suis entraînée ces dernières semaines ! Après qu'il m'ait laissée ! Puisque je ne pouvais plus respirer !
La colère s'occupe de me ronger, le chagrin me dévorant à chaque seconde.
Jacob ! Tu me manques ! C'est trop dur sans toi !
Brutalement, sous le coup de ma douleur, je pars en sprintant, le laissant derrière. La rage que je ressens envers lui ainsi que ma souffrance me font faire deux tours de terrain supplémentaires à vive allure pendant qu'il s'arrête pour m'observer. Finalement à bout de souffle – au bord des larmes – je ralentis sans le confronter, me dirigeant vers le robinet un peu plus loin. Je l'ouvre, me mouillant le visage puis la nuque.
— Ne bois pas ça, me prévient-il d'un ton ferme en venant se placer à quelques pas de moi.
Au son de sa voix et à ses mots, je me fige.
J'ai donc l'air d'une idiote ?
Mes yeux sidérés rencontrent son expression neutre tandis qu'il me tend une bouteille.
On a laissé sa haine sous son oreiller, sergent ?
Reste calme, Sarah !
Je bouillonne intérieurement, envisageant d'attraper ce qu'il me propose juste pour pouvoir lui balancer quelque chose au visage.
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Soyons d'accord
Romance« La vie continue, petite sœur. Et ton travail, à toi, c'est de la mettre au monde. » *** Pour faire face au décès de son frère soldat, Sarah rejoint sur un coup de tête une mission humanitaire en Syrie. C'est en cherchant à se sentir plus proche de...