17 | Douloureuse torpeur

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Syrie.

Petit village proche d'Alep.

Jour vingt-huit.

***

Je sors de la maison d'une foulée mal assurée. Passant un revers de main nerveux sur mes yeux, je parcours plusieurs dizaines de mètres pour m'éloigner. Les poings serrés, je m'arrête, hurlant mon désespoir en direction de l'étendue désertique. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il vient m'encercler, ralentissant ma chute alors que mes jambes se dérobent dans un sanglot insupportable.

Pourquoi fais-tu cela, James ? À quoi tu joues ?! Maintenant ?! Non !

À l'intérieur du logement que je viens de quitter, le docteur Abbot a posé sa paume sur mon épaule pour me forcer à m'arrêter, Brice récupérant lentement le bébé décédé pendant l'accouchement à qui je faisais désespérément un massage cardiaque.

Non ! Jacob, tu me manques trop ! Tu saurais quoi me dire ! J'ai besoin de ton étreinte ! De ton rire ! Tes sourires ! Toi tout entier ! Comment surmonter cette épreuve sans ta présence ?!

Entre mes larmes, je tente de toutes mes forces de repousser James inexplicablement venu me rejoindre, me prenant dans ses bras.

Te fous-tu de ma gueule ?! Tu passes ton temps silencieux à me scruter froidement ou à lancer des piques sur les civils et maintenant tu me serres contre toi ?! Tu as balayé chacune de mes tentatives pour me rapprocher mais là tu veux me réconforter ?! Je ne t'ai jamais vu me sourire ! Tu ne réponds pas aux miens ! Et putain, j'ai vraiment essayé ! Le mieux que j'obtiens c'est de la colère lorsque je fais semblant de flirter ! Sauf que je ne vais pas me jouer des autres dans le but de t'atteindre ! Inutile de faire semblant de m'apprécier, s'il te plaît ! Pas là ! Jacob n'aurait jamais toléré ça ! Je ne le tolère pas ! Va te faire foutre !

— Lâche-moi putain ! grondé-je, oscillant entre fureur et douleur intolérable.

Je balance des coups de poings dans son gilet pare-balles jusqu'à m'en faire mal mais il demeure immobile sans desserrer son étreinte, silencieux.

— Tu me détestes alors à quoi tu joues, là ?!

Cette fois, il me relâche. Nos yeux se croisant tandis que je recule en gémissant, je crois voir de la douleur dans les siens. Cependant je m'en fiche, ayant beaucoup trop mal.

— Va te faire foutre, James !

Tu auras tenu un mois avant de le dire à voix haute, ma chère Sarah. C'était bien trop long, si tu veux mon avis !

— Hé, je suis désolé, souffle Josh d'une voix aussi lente que posée.

Je me fige – toute colère envolée – regardant le soldat venant d'arriver derrière son frère. Sur le seuil de la maison un peu plus loin, Brice m'observe, la mine navrée. Il lui a dit, je le vois. Que j'ai perdu un bébé pour la première fois de ma carrière. J'ai toujours été consciente que fatalement, cela m'arriverait un jour. Néanmoins il y a définitivement une différence entre le savoir – penser s'y préparer – et le vivre réellement dans un moment où l'on est soi-même en deuil.

C'est. Tellement. Dur ! Je n'y arrive pas !

Effondrée, je parcours la distance nous séparant, me blottissant entre les bras réconfortants du jeune homme les ayant ouverts afin de m'accueillir.

— Merci Josh, chuchoté-je.

Merci infiniment d'être un ami et un soutien depuis la première minute.

Soyons d'accordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant