Fonçant vers l'infirmerie militaire, ne tente d'éviter de me noyer dans les flots déchaînés venant de m'engloutir. Ceux de mes pensées, mes émotions... mes douleurs.
Je peux être utile là-bas.
Et je dois l'être – surtout – car dans le cas inverse je vais m'effondrer aussi purement que simplement.
Donnez-moi du travail ! James, je n'ai nullement rêvé cette étreinte ! Ne me dis pas qu'elle était fausse, il me sera impossible de te croire ! Pourquoi as-tu agi ainsi ensuite ?!
— Sarah ! m'interpelle immédiatement le docteur Louis. Vous tombez bien !
J'ai à peine franchi la porte que le spectacle s'offrant à moi est digne d'un horrible film de guerre. Sauf qu'il s'agit de la réalité. De véritable sang. De vraie souffrance qui émane de ces trop nombreux hommes ayant besoin de soins.
Oh. Mon. Dieu. Sortez-moi de ce cauchemar !
— Nous avons déjà trié les blessés, sachant que les cas les plus graves ont directement été héliportés vers la Turquie, annonce le docteur Andrews en venant à ma rencontre. Pouvez-vous nous aider pour les plaies qui nécessitent des sutures et des extractions simples avec Brice ?
Je comprends que tout le pôle sanitaire est en train d'arriver en renfort auprès de l'équipe militaire – car il y en a grandement besoin – donc acquiesce, enfilant ma posture professionnelle en remontant précipitamment mes manches.
Heureusement que je peux toujours compter sur toi !
Au boulot, Sarah !
***
C'est ainsi que je me suis retrouvée à réaliser mes premières – seules, j'ose l'espérer – extractions de balles au pied levé, à vue de nez et au petit bonheur la chance – si je puis dire – comme si c'était tout à fait normal et que j'avais toujours fait cela. Je ne suis pas convaincue que ce sera utile sur mon CV de sage-femme, par contre.
Compétences supplémentaires : infirmière de guerre.
C'est atypique au moins !
Peut-être pourrais-je en rire dans quelques temps, après tout. Mais pour le moment je suis couverte de sang, n'ayant aucunement le temps de penser.
Parfait.
Pour les pensées – non pour le sang – entendons-nous bien. D'ailleurs je vous épargne l'odeur atroce, l'angoissant fond sonore composé des cris et autres gémissements de douleur. Voilà l'avantage que vous soyez lecteurs et pas avec moi à ce moment précis. Mais bon, pour vous donner une description précise dites-vous que c'est la guerre, tout simplement. Avec Brice nous avons l'habitude de travailler ensemble alors notre binôme est redoutablement efficace. De toute évidence il a déjà fait cela, me guidant avec une précision hors du commun.
À l'occasion, montre-moi ton CV.
Treize heures plus tard, la situation étant à peu près sous contrôle, l'infirmier m'entraîne vers le réfectoire pour que nous prenions la pause dont nous avons désespérément besoin. Un silence respectueux s'installe dès notre arrivée, néanmoins il faut avouer que notre allure en dit long sur le lieu que nous venons de quitter, étant trop épuisés pour avoir songé à aller nous changer. Je reconnais que c'est un peu glauque, en vérité. C'est la guerre, en somme, dans toute sa splendeur aussi immonde que dégueulasse. Pourtant c'est dans cet état que j'avale péniblement une soupe avec un morceau de pain et quelque part, c'est en parfaite cohérence avec mon état intérieur, mon cerveau étant tellement embrumé que je n'ai toujours pas recommencé à penser.
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Soyons d'accord
Romance« La vie continue, petite sœur. Et ton travail, à toi, c'est de la mettre au monde. » *** Pour faire face au décès de son frère soldat, Sarah rejoint sur un coup de tête une mission humanitaire en Syrie. C'est en cherchant à se sentir plus proche de...