38 | Un regard aussi sérieux que douloureux

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Revenue par les airs, je m'extirpe de l'hélicoptère dans une grimace douloureuse.

Putain de côtes cassées !

Pour vous expliquer brièvement la situation, sachez qu'hier j'ai d'abord téléphoné à mon contact à la Emergency Nutrition Network, le rassurant quant à mon état de santé, lui faisant ensuite part de mon souhait de poursuivre mon engagement jusqu'à son terme. Ai-je largement édulcoré la situation, vous demandez-vous ? Oui. Très clairement ! La fin justifiant les moyens, n'est-ce pas ? Puis j'ai tenté plusieurs fois de joindre le colonel Smith afin de lui annoncer mon retour mais sans succès, la ligne étant toujours indisponible.

Tant pis.

De toute façon c'était plus par principe, l'ENN s'étant occupé de me fournir un moyen de transport pour retourner sur la base et je ne suis pas sous ses ordres directs.

Je suis une civile, moi !

Venant d'atterrir, le soldat venu me réceptionner à la sortie de l'engin ne s'attendait guère à me voir.

Salut. Ouais, je sais. Ce n'est pas Londres ici. Vous aviez eu vent de mon rapatriement, j'imagine. Pourtant me voilà.

La surprise passée, il m'a souhaité un bon retour avec un sourire sincère.

Merci. Je suis contente d'être ici.

J'ai pris la direction du réfectoire d'une foulée hésitante, repensant à la première fois où j'ai marché sur ce sol aussi chaud que poussiéreux. À comment je me sentais ce jour-là et où j'en suis aujourd'hui.

Tu me manques, Jacob. Ce sera à jamais le cas. J'avance la tête haute comme tu le voudrais et j'ai l'impression que tu es à mes côtés, ainsi que tu l'as toujours fait. Je pense que j'aurai cette impression pour le restant de ma vie, que parfois j'entendrai encore l'éclat de ton rire dans mon dos comme avant. Pourtant je ne me retournerai plus, c'est promis. Parce que j'ai intégré que tes bras ne seront pas là pour m'accueillir. Chez les Oliver, nous regardons devant nous de toute façon. J'espère que tu serais fier. J'ai perdu ton collier, tu sais. Je le cherche encore instinctivement. Trouver le vide autour de mon cou me fait vraiment souffrir. Plus que quelques côtes cassées, en réalité. Davantage que le sang s'étant accumulé dans mon crâne. Tu représentes la plus grosse douleur de ma vie, ma plus grande perte. Je suis venue pour retrouver un peu de toi car j'en avais désespérément besoin et c'est arrivé, comme je l'espérais. Il y a des souvenirs partout en ce lieu. En plus de panser ma douleur avec cela, j'y ai rencontré des amis précieux, mon cœur est rentré. Je suis enfin tombée amoureuse, tu en serais ravi même si ça n'a malheureusement pas marché. Ici et grâce à toi, j'aurai écrit une page de vie. Belle, riche, triste et intense. Je n'aurai aucun regret. Un jour. Quand j'aurai cessé de t'aimer, James.

***

Il est déjà un peu plus de vingt heures lorsque je passe la porte de la cantine. Ma tête tournant un peu à cause du trajet, je ferme les paupières, m'appuyant quelques secondes contre le cadre pour me stabiliser. Le silence s'étant fait le temps que je relève les yeux, je réalise que tout le monde me dévisage, Josh étant déjà devant moi, livide.

— Hey ! Aurais-tu vu un fantôme, sergent Williams ?

Il soupire en s'éclairant, attrapant mon visage entre ses paumes pour poser son front contre le mien avec douceur.

— Je suppose qu'il serait malvenu de te serrer dans mes bras ? murmure-t-il.

— Si tu pouvais t'appliquer à éviter de me faire rire, ce serait bien aussi ! râlé-je, en réprimant un.

Soyons d'accordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant