Alors que la flèche tirée par Mathéo fuse vers moi, ce n'est qu'à la dernière seconde que mon corps décide enfin de réagir et je ferme les yeux en levant les bras devant moi, comme si cela allait bêtement me protéger d'une flèche pointue. Je m'attends à un impact mais plusieurs secondes s'écoulent et rien ne se passe. Je déplie alors lentement mes bras et ouvre prudemment un œil.
Devant moi, Mathéo est droit comme un pique, le bras tendu vers moi. La flèche s'est volatilisée, comme si je l'avais imaginée. Je devine rapidement qu'il l'a faite disparaître avant qu'elle ne me touche.
Avant que j'aie pu dire quoique ce soit, Mathéo baisse son bras, ses yeux perdant leur éclat magique, et me fait sursauter lorsqu'il commence à hurler :
- Non mais tu vas pas bien ?! Qu'est-ce qui t'as pris ? T'as pas vu que c'était dangereux de s'approcher ?!
Je me retiens de reculer devant la colère soudaine de Mathéo. C'est la première fois que je le vois comme ça... Son regard est encore plus effrayant énervé qu'impassible.
Néanmoins, je me redresse.
- Oh, ça va ! hurlé-je en retour, sa colère contagieuse m'envahissant. J'ai pas fait exprès, OK ? Je voulais juste te saluer !
- T'aurais pu attendre que j'aie fini au moins ! Tu ne vas pas aller saluer un boucher par surprise alors qu'il coupe de la viande !
- Je ne vois pas le rapport !
Au même moment, je me rends compte que je suis énervée. Et qu'il n'y a toujours aucun signe de nœud dans mon ventre.
Je m'arrête net de crier et porte une main à mon ventre, incrédule. Mathéo avait raison : utiliser mon don de mon plein gré me permet de m'assurer que je n'explose pas lorsque je suis en colère, effrayée ou menacée. C'est la première fois que je ne fais pas de crise alors que je rage ou que j'étais en danger de mort. C'est... incroyable.
Toute ma colère s'envole et je souris, oubliant presque que Mathéo est toujours là. J'ai enfin une preuve. Une preuve que j'ai une chance de vivre normalement. Que mes crises ne sont plus qu'un cauchemar qui ne reviendra pas.
Devant moi, les épaules de Mathéo s'affaissent et il se calme à son tour. Son visage reprend son air neutre et désinvolte. Maintenant que je connais son âge, il me paraît plus vieux et encore plus inaccessible alors que nous n'avons que trois ans de différence, ce qui n'est pas si énorme.
- Tu étais en colère et tu n'as pas exploser, constate-t-il comme s'il lisait dans mes pensées. Tu t'es donc servie de ton don.
Je lève les yeux vers lui.
- C'est justement pour ça que je suis venue te voir, dis-je sèchement. Pour te montrer mes progrès. Mais je vois que tu t'en fiches.
Mathéo soupire, lève la main et les robots-cibles disparaissent comme par magie avec son carquois. Puis, il s'avance vers moi en lançant durement :
- Exactement, je m'en fous. Je suis ton entraîneur et tes progrès ne m'intéressent que le matin, lors d'une certaine période. En dehors de ça, on ne se connaît pas. Je suis là pour t'aider, pas pour faire ami-ami.
Il s'arrête à deux pas de moi et plante ses yeux métalliques et froids dans les miens.
- Donc, tes progrès, tu me les montreras demain. En dehors de l'entraînement, tu me fiches la paix et tu ne m'adresses pas la parole.
Sur ces mots, il me contourne et s'en va. Je reste plantée là, sans voix. Ses pas crissant sur le gravier s'estompent rapidement et le silence retombe. J'aurais pu me retourner, le retenir et lui hurler dessus, détestant qu'on me parle ainsi. Mais je sais que ça n'aurait rien changé.
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Les dix Mages
Paranormal"Pardonne-toi tes fautes parce que tu en es aussi victime. Pardonne-toi parce que tu le mérites." * Emma vit dans un orphelinat depuis un an suite à un grave accident dont elle est fautive. Et tout ça à cause d'une fichue "malédiction" qui ne cesse...