CHAPITRE 36

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Je n'ai pas le temps de pleurer plus longtemps la mort de mon ami.

Malgré les larmes qui floutent ma vision, j'aperçois un éclat de lumière qui scintille soudainement derrière moi et instinctivement, je tourne la tête. Une sorte de cercle lumineux vient d'apparaître de nulle part, coupant l'air en deux : un portail magique. De l'autre côté, je peux distinguer la cour de l'académie.

Evelyn a enfin trouvé un moyen de nous faire évacuer. Autour de moi, je vois déjà au loin des pensionnaires les traverser sans perdre de temps, comprenant que la situation n'est pas du tout à notre avantage. Des ennemis essayent de les suivre mais ils se heurtent à un mur invisible : le portail ne les laisse pas passer. Heureusement.

Je serre les poings, luttant contre l'envie de me laisser glisser à terre et disparaître pour pleurer et faire mon deuil tranquillement, me morfondant sur moi-même comme je l'ai fait pendant un an pour la mort de ma meilleure amie et de mes camarades. J'aimerais m'évanouir dans la nature pour faire cesser la douleur et ce poids à m'en écraser le cœur qui persiste dans ma poitrine.

Malheureusement, j'ai appris à mes dépens que cela n'arrangera rien. Je ne peux pas m'écrouler à mon tour alors que Sarah est dans un état pire que moi et que Lucie commence tout juste à émerger de son inconscience en gémissant. Nous devons partir et si je ne me reprends pas, le portail se refermera avant que nous ayons eu le temps de le traverser.

Alors , je m'approche de Sarah en reniflant et en essuyant mes yeux mouillés du revers de la main.

- Sarah... dis-je d'une voix cassée, douce mais pressante. Il faut qu'on évacue.

Cette dernière sanglote toujours, tenant fermement le corps inerte de David contre elle. Je me force à ne pas le regarder, à ne pas voir ses yeux vides, le trou béant au milieu de son ventre... je ne dois pas sombrer, pas maintenant.

- Non, non... gémit-elle. Je ne veux pas... le laisser ici...

- On ne va pas le laisser ici, Sarah... je m'en occupe. Mais il faut traverser le portail.

Sarah jette un rapide coup d'œil à ce dernier, le remarquant seulement maintenant, avant de poser le regard sur moi. Elle semble dévastée et tiraillée.

- Tu le promets ?

- Je te le promets.

Après quelques longues secondes d'hésitation, elle finit par lâcher David à contrecœur et se lève lentement. Elle le regarde, incertaine, les larmes coulant encore sur ses joues.

- Vas-y, dis-je.

Elle se détourne et se dépêche de traverser le portail en titubant à moitié. De mon côté, j'accours vers Lucie pour l'aider à se lever.

- Ça va ? demandé-je.

Lucie grimace pour toute réponse.

- Qu'est-ce... que s'est-il passé ? grogne-t-elle, encore groggy.

Je n'ai pas besoin de répondre que son regard se porte derrière moi et elle remarque le corps de mon ami. Le sang et son immobilité sont assez explicites pour qu'elle réalise ce que cela veut dire et porte une main à sa bouche.

- Oh mon dieu...

Je ne prends pas la peine de lui expliquer, n'en ayant pas le temps et n'en ayant pas la force de toute façon. Je l'aide à marcher jusqu'au portail en passant un bras sous ses aisselles et en même temps, je fais appel à mon don pour soulever David de terre. Je l'amène avec nous tandis que nous traversons le portail magique.

Les dix MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant