Les dix Mages

CHAPITRE 35

- Attention ! s'écrie soudain Lucie.

Je n'ai pas le temps de réagir que Lucie me percute violemment et nous tombons à la renverse tandis qu'un jet de ce qui semble être de l'acide passe au-dessus de nous. Le liquide retombe quelques mètres plus loin et fume sur le sol, le faisant fondre littéralement.

Nous nous relevons précipitamment, un peu groggy par le choc. Je repère rapidement le lanceur qui attaque de nouveau et je lève la main pour nous protéger. Je sens un bouclier invisible se former autour de moi et Lucie, et l'acide le heurte sans le traverser.

C'est la première fois que j'utilise mon don depuis que j'ai passé le cap des dix-huit ans et que je connais mon niveau. Et je sens une réelle différence. Je peinais à tenir mon bouclier quelques jours plus tôt lors de l'attaque mais là, c'est totalement différent. Je sens une énergie nouvelle traverser mon corps et j'ai l'impression d'avoir créé un bouclier en acier, indestructible et éternel. Il m'est venu naturellement, sans même que je pense à activer ma magie et que je le forme dans mon esprit avant de le projeter. Je pourrais le garder maintenu pendant des heures presque de manière inconsciente, comme si c'était une broutille.

Je sens la puissance de mon pouvoir couler en moi. Ce dont je suis véritablement capable de faire. Les choses les plus simples que je peux faire avec mon don sont devenus d'une facilité enfantine et j'ai hâte de voir comment je me débrouille avec des prouesses magiques plus complexes.

Prenant pour cible le Magicien de cet acide - un rondouillard aux cheveux teints en vert qui se tient un peu plus loin devant moi -, je tends la main vers lui et ferme le poing. Le garçon s'écrase à terre par la force de ma pensée, comme si j'avais accentué la gravité. Puis, du regard, je l'envoie percuter violemment un de ses collègues attaquant un jeune pensionnaire en difficulté et ils finissent tous les deux à terre, inconscients. Simple mais efficace.

Le pensionnaire me remercie d'un signe de la main avant de repartir se battre. Je me tourne vers Lucie mais celle-ci est occupée elle-aussi à se battre contre un autre adversaire. Maniant l'air, son élément, avec élégance et agilité, elle l'envoie au tapis en quelques secondes et me rejoint.

- C'est très bizarre de se battre contre quelqu'un dont j'étais dans son camp il y a quelques minutes.

Je lui souris.

- C'est sûr. Tu regrettes ? demandé-je prudemment.

Elle me sourit en retour.

- Pas le moins du monde. Ça fait du bien de donner une bonne leçon à ces hypocrites !

Je suis soulagée. Ses paroles me reviennent en mémoire : « je crois qu'on est sœurs ». Comment allons-nous faire pour savoir si c'est la vérité ? A qui allons-nous le demander ? Allan ? Ce serait la seule solution. Mais comment pourrons-nous savoir s'il dit la vérité ou non ? Il ne fait que mentir !

Je reporte mon attention sur le présent. Il faut que nous trouvions Evelyn. Je sais que son don est la transformation, ce qui ne va pas nous aider. Il y a plein de métamorphes qui se battent autour de nous, comment savoir qui est la directrice ?

Lucie et moi faisons le tour de la base à l'extérieur, nous battant et criant le nom d'Evelyn, espérant qu'elle nous entende à travers le brouhaha.

A mon grand soulagement, de l'autre côté de la base, nous la trouvons. Enfin, c'est plutôt elle qui vient à notre rencontre. Nous courrons un peu au hasard, criant son nom, lorsqu'un énorme lion se présente subitement devant nous. Nous hurlons en même temps avant de nous mettre en garde pour nous défendre.

Mais le lion se transforme rapidement en un humain que je reconnais : Evelyn, les cheveux en bataille et le regard encore sauvage et inquiet, brillant d'un éclat doré.