CHAPITRE 37

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- Emma, murmure-t-il simplement.

Sa voix grave prononçant mon prénom me fait frissonner de la tête aux pieds. Et il l'a dit avec tant de douceur qu'une vague de chaleur s'est répandue en moi. Je me souviens du moment où j'ai réalisé que j'ai... que j'avais... que j'ai... bref, des sentiments pour lui. Est-ce que ses sentiments sont réels ou était-ce un mensonge ? Et est-ce que j'ai vraiment envie de savoir la vérité ?

- Je suis là parce qu'on m'y a forcé, dis-je sur un ton froid. Je n'ai ni envie de te voir, ni envie de te parler. Mais je fais une exception pour cette fois parce que j'ai besoin d'avoir des explications.

Dire qu'il y a à peine un jour, j'appréciais sa compagnie, me sentant en sécurité près de lui, et il me disait que c'était réciproque tout en m'embrassant. Et voilà que sa présence me répugne presque ou en tout cas, qu'elle me transperce douloureusement le cœur. J'ai l'impression que notre relation d'antan date d'il y a des années alors que cela ne fait que quelques heures.

Quelques heures... tant de choses ont changé en si peu de temps que j'en ai le vertige.

Devant moi, Mathéo ne me quitte pas des yeux. Je n'arrive pas à déchiffrer son regard, ce qui me rend mal à l'aise.

- Que veux-tu savoir ?

- Tout.

Mathéo soupire et s'adosse à nouveau contre l'arbre.

- C'est... c'est dur à expliquer.

Je croise les bras.

- Il y a déjà peu de chance que je te pardonne ce que tu as fait mais si tu ne m'expliques pas, il n'y en aura aucune.

Je joue sur le chantage mais si Mathéo a vraiment des sentiments pour moi, alors mon pardon doit compter pour lui. Et cela semble être le cas car il se ressaisit immédiatement à l'entente de mes paroles.

- Très bien... c'est vrai que je te dois des explications.

Il enfourne les mains dans ses poches et se met à fixer l'académie derrière moi.

- Tu te souviens de l'histoire avec ma mère et mon père ?

J'acquiesce. Comment oublier ça ?

- Eh bien, après ça, ma mère est devenue tout ce que j'avais de plus précieux au monde. Même si je l'ai quittée assez rapidement pour venir m'installer ici, j'attendais à chaque fois avec impatience le jour où j'allais la revoir lors des jours de visite. Nous passions la journée ensemble, je ne l'avais rien que pour moi. J'aime ma mère plus que tout parce qu'elle a toujours été là pour moi, parce qu'elle a tout sacrifié pour moi. C'est pour elle que j'ai décidé, il y a quelques années, d'arrêter de rester dans mon coin et de me faire des amis. Je voulais qu'elle soit fière de moi, je voulais la voir heureuse et souriante lorsque je lui racontais ma vie ici.

Je le vois esquisser un léger sourire à ce souvenir.

- Elle était le rayon de soleil dans ma vie. Et j'attendais aussi avec impatience le jour où cette guerre se terminerait et où je pourrais revenir vivre avec elle sans craindre d'attirer le clan adverse chez nous. Mais il y a quelques mois...

Il pose le regard sur moi.

- Il y a quelques mois, ma mère a disparu. C'était un jour de visite lambda. Comme d'habitude, je suis arrivé devant chez nous, heureux de pouvoir la revoir. Mais déjà, je sentais que quelque chose n'allait pas : d'habitude, elle m'attend toujours devant le palier et là, elle n'était pas là. Alors, je suis entré et... il y avait une demi-douzaine d'hommes dans mon salon. Dont Lucie. Et ton oncle.

Les dix MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant